jeudi 10 décembre 2020

L’ESPACE DU LOGEMENT: usages et contenus

Objectif: 

Cet enseignement est né d'une préoccupation perceptible dans la discours des étudiants-architectes: la maîtrise des termes du débat souvent posé par les professionnels préoccupés par l’influence des formes et des espaces qu’ils créent  sur les habitants qui les utilisent.

Les outils théoriques et méthodologiques proposés à l’étudiant devront lui permettre de saisir les rapports qu’entretiennent l’habitat avec les usagers. L’hypothèse qui sous-tend cette approche est que la médiation entre l'espace et les acteurs sociaux  se fait par les pratiques, les discours et la symbolique de l’objet architectural: l’habitation.

 

Contenu :

Une grande partie du cours cherche à expliciter les contenus de l’espace de vie quotidien perçu et utilisé de manières différentes par des résidents ou des collectivités de résidents ayant des caractéristiques socio-démographiques, une expérience urbaine, une      histoire individuelle et un ensemble d’autres variables différentes.

C’est une réflexion, même si c'est d'une manière indirecte, sur les distances et les distorsions qui existent entre l’espace programmé par l’architecte d'une part, et l’espace utilisé et vécu par l’usager d'autre part.

 

Progression :

La morphologie sociale:Le premier fait qui s’impose à nous est que le logement et son environnement immédiat sont façonnés en fonction des populations résidentes, c’est-à-dire en  fonction de leurs niveaux de revenu et de leur place dans un certain fonctionnement de la ville et de la société.

Qui sont ces populations on plus exactement ces habitants ? Et quels facteurs paraissent déterminer leur appartenance aux principaux groupes ou classes sociales ?

Le Logement : Après cette description des habitants, il nous faut aborder les caractéristiques et les conditions de leur habitat, l’adéquation ou la non-adéquation de cet habitat par le biais de l’étude  de « la satisfaction », et les différentes pratiques du logement et leurs significations.

Y’ a-t-il différents modes d’habiter ? Que signifient les notions d’ « appropriation de l’espace » et de « socialisation de l’espace » ?

Le quartier: Le logement abrite une vie intime et domestique. Les habitants (n’y passent qu’une partie de leur temps hors-sommeil) il est  nécessaire de dépasser cette limite et de voir en quoi consiste l’environnement immédiat du logement dénommé communément « Quartier ».

Le terme « quartier » a acquis une multiplicité de signification dans le langage des sciences humaines. Quels sont les différents contenus qu'il véhicule?

Connaître la pratique du quartier de résidence, apprécier les relations qui s’y trouvent et voir dans quelle mesure il est le prolongement et la projection extérieure du logement.Peut-on parler de « vie de quartier » ? Quelles activités se développent dans le quartier?quelles sens ont-elles pour les résidents?

 

 

MotivationS

 

 

Pourquoi proposons-nous un cours sur l’espace du logement

La  première raison est que nous avons considéré qu’il y a dans ce thème un apport des sciences humaines à l’architecture qui n’est pas négligeable.

En effet, la question qui est souvent  posée au spécialiste des sciences humaines par l’architecte est : quel estl’influence des formes et des espaces que je crée sur l’habitant qui les utilise ?

Ce cours est en partie une tentative de réponse à cette question. Il nous permettra aussi de mettre en cause la vision technicise qu’on a souvent du cadre bâti et qui le réduit à l’exécution d’un projet en répondant comme il faut à des normes d’occupation du sol, en utilisant un bon plan, certaines techniques de construction et un bon matériau.

En cherchant donc la réponse  à la question précédente, nous avons été conduit à choisir une perspective encore peu adopté : L’espace du logement et du quartier est vu du côté de ses habitants au niveau de leur vie quotidienne : Lieu où l’on habite et cadre de vie, espace utilisé et ensemble d’hommes avec qui on peut établir des relations.

La seconde raison est que la crise du logement dans notre pays a atteint des proportions inquiétantes. Ces principaux signes sont :

·      Une inadéquation de plus  en plus accentuée entre les besoins en habitat et les réalisations effectuées : exemple le déficit besoins/réalisations entre 1979 : 311.538 logements. Cette pénurie de logements s’amplifie encore plus par l’accroissement de la concentration urbaine.

·      Une spéculation effrénée s’exerce sur le foncier entraînant des prix de revient du logement fortement élevées sans autre justification que les bénéfices spéculatifs - Ajoutons à cela la pénurie périodique des matériaux de construction, les caractéristiques des entreprises de constructions et le coût de la main d’œuvre, et nous avons les raisons principales qui ont aidé à cette hausse vertigineuse et presque irrationnelle du coût du logement.

La conséquence immédiate de tout ce qui précède est l’élimination de couches  de plus  larges de la population tunisienne de l’accès au logement.

Enfin la troisième et dernière raison, et peut-être la plus importante, vient de la nécessité de réfléchir et de comprendre notre espace et notre architecture en tant que patrimoine culturel et civilisationnel afin afin de pouvoir participer à une production architecturale qui relève le défi imposé par « l’occidentalisation de l’habitat en Tunisie ».

Si la présence coloniale française a réussi à pervertir l’architecture de la maison traditionnelle, c'est que cette action a été rendue possible grâce à l'infiltration progressive et sournoise des modes d'habiter européens.

D’une façon générale le contact direct de couches de plus en  plus larges de la population tunisienne avec les modèles de consommation européen s’est opéré grâce à l’effet de démonstration dû à l’implantation des nouveaux quartiers aux portes la médina (Avenue de la Marine). Petit à petit, meubles articles de ménage et quincaillerie fabriqués par l’industrie européenne ont inondé le marché tunisien et pénétré la maison traditionnelle concurrençant les articles de fabrication locale et artisanale.

De même les nouvelles constructions avaient tendance à utiliser des matériaux importés  d’Europe et à s’inspirer des modèles architecturaux occidentaux accentuant par la décadence de l’architecture traditionnelle et des métiers traditionnels du bâtiment.

 

 


I NTRODUCTION

Notre hypothèse générale est que l’espace n’est pas simplement, même s’il l’est également, un donné avec lequel une population entre en rapport, mais qu’il est une certaine organisation délibérée (avec ses composantes économiques, techniques, sociales, urbanistiques, etc.) c’est-à-dire un produit.

Les relations d’une population déterminée avec ce produit dépendent des caractéristiques finales de celui-ci, mais aussi, à travers celles-ci, des finalités qu’il a été censé servir, des contraintes  que les responsables se sont fixées ou qu’ils ont indirectement  subies, de la nature même des catégories de population qui ont été concernées par cet espace et appelées à habiter le cadre qu’il constitue.

Parce que le logement et son prolongement immédiat,le quartier, sont un produit qui obéit à un ensemble de finalités sociales implicites et à un certain ordre de la société, il ne peut-être envisagé sous le seul point de vue de son apparence perceptive - Il est  en réalité le cadre de vie, dans ses multiples aspects, des populations urbaines.

Ce cadre de vie en plus des particularités urbanistiques, architecturales, socio-démographiques qu'il véhicule et manifeste, occupe une place particulière dans notre histoire contemporaine. Il fait aussi l'objet d'une action institutionnielle qu'on appelle communément la politique de l'habitat

Les trois moments de la question du logement 

          1. Fonctionnalisme et " habitat pour le plus grand nombre ":

Les années qui suivirent la seconde guerre mondiale ont vu le démarrage d'ambitieux programmes de Reconstruction. Cette conjoncture va susciter un intérêt grandissant pour la recherche sur le logement.

Un grand nombre d'écrits et d'études vont mettre l'accent sur la situation des mal-logés, des bidonvilles, des taudis... tout en argumentant en faveur de la construction de grands ensembles considérés alors comme la solution incontournable à la crise du logement.

L'architecture et l'urbanisme progressiste et fonctionnaliste étaient devenus au cours des années 50 et 60 le remède miracle aux disfonctionnements de l'habitat et de la ville. Implicitement l’idée était : un bon espace est un « espace fonctionnel » qui répond à des besoins et des normes universels.

Abordée sous cet angle, la problématique du logement impliquait une direction de recherche qui s'appuie sur des études démographiques et descriptives pour faire l'inventaire des besoins, en vue de la production d' " habitat pour le plus grand nombre ".

Un peu partout, on chercha à mettre en place une politique sociale du logement par le biais de la mobilisation des institutions, des instruments juridiques et des capitaux publics. la promotion de l'accès au logement public se fit sous deux formes principales: l'aide à la pierre ou l'aide à la personne.

Cette période d'euphorie se heurta à trois limites au moins: le niveau de la richesse nationale ( part publique ou privée à investir); le niveau de solvabilité des ménages et des bénéficiaires des aides; le mécontentement et les explosions de violence dans les cités HLM réalisées.

2. L'émergence de l "Habiter":

Les chercheurs et experts mis face à la crise du logement finirent par reconnaître que le rapport entre habitat et habitant est régi par une articulation complexe, qui ne peut se résumer

à une réponse technique standardisée et normalisée à des besoins[1] universels.

Cette articulation utilise un certain nombre de médiations qui relèvent de dimensions aussi différentes que les dimensions psychologiques, sociologiques, économiques, politiques...

L'erreur théorique et méthodologique des adeptes de la Chartes d'Athènes provient du fait qu'ils considérent l'habitation comme un problème d'équipement, une "machine à habiter" comme l'affirme Le Corbusier.

Suite à ces remous sociaux[2] les années 70 vont mettre à l'ordre du jour une approche du logement où les instances sociales et psychologiques vont peser d'un poids certains.

C'est l'époque de l'"Habiter" et de la fameuse thèse de Heidegger: "habiter" c'est "exister".

L’approche en terme d’"Habiter" a permis de comprendre et de comparer les modes de vie matériels de groupes humains, ainsi que leur évolution. Elle a mis en évidence l’impact sur la morphologie et la typologie de l’habitat de réalités telles que: le rapport au corps comme le rapport au divin ; les structures de relation entre les sexes (espaces secs et humides), le mode et le degré d’organisation de la famille... Toutes ces réalités transforment le besoin universel de se loger en une demande particulière d’habiter débouchant sur une réponse spécifique : une habitation située dans le temps et dans l’espace des hommes et des civilisations.

Le nouveau concept parce qu'il rétablissait le logement dans sa pluridimensionnalité, inaugurait une voie nouvelle: l'étude de l'habitat dans sa signification relative à des aspirations, des désirs de compensations, des représentations idéologiques...Se développait de même un appareil méthodologique et des techniques d'investigation qui intégraient les apports de disciplines comme la sémiotique, la psychanalyse et la psychologie sociale.

3. Le logement face aux défis de la mondialisation et de l' explosion urbaine:

La dernière décennie que nous avons traversée a surtout été marquée par des transformations politiques, sociales et spatiales rapides et profondes à l'échelle internationale.

Deux phénomènes nous intéressent d'une façon toute particulière, c'est la mondialisation et l'explosion urbaine pour l'impact qu'elles ont sur l'offre et la demande de logement.

La mondialisation, dans sa dimension économique, se manifeste par une extension sans précédent dans l'Histoire du libéralisme entraînant ainsi le déclin sinon la disparition des formes traditionnelles de production et d'appropriation du logement.

Sur le plan culturel, la mondialisation des images médiatiques venues des pays riches bouleverse, à travers le monde, les représentation vécues en matière de mode de vie et d’habitat : même sous forme rêvée, fantasmée, ce sont les normes occidentales en matière de construction, de dispositif de confort, etc.qui prédominent.

L’homogénéisation des modalités de rapport au logement est redoublée par l’homogénéisation de la matérialité, réelle ou idéale, du logement (images des villas de rêve dans les feuilletons américains, mexicains ...). Son corollaire est la généralisation des formes occidentales de consommation : demande nouvelle en matière d’équipement domestique, de pratiques alimentaires et vestimentaires, de consommation culturelle (consommation de masse, standardisation et universalisation des produits).

D'autre part, l'urbanisation accélérée se caractérise par un départ de la campagne vers la ville sans retour. C'est la fin du mythe de l'équilibre ville-campagne. la demande de logement enregistre un accroissement exponentiel

Les difficultés -d'autres diraient les choix- des pouvoirs publics en matière de politique de l’habitat (difficultés financières, limitation des investissements sociaux et du déficit public, privatisation ...) vont avoir pour conséquences le grossissement de la masse des déshérités urbains et la prolifération de formes anarchiques et illégales d’habitat ("villes parallèles").

Les mêmes autorités politiques se sont trouvées devant la situation paradoxale suivante: Comment améliorer les conditions d’habitat, réaliser les infrastructures urbaines et les équipement collectifs nécessaires sans que cette action n'attire encore plus de migrants vers la ville ?

 

A NALYSE QUANTITATIVE DU LOGEMENT

 

 

L'ensemble des normes et critères disponibles pour faciliter l'appréciation de la situation de l'habitat s'articule autour de 3 axes principaux:

a)    Les critères se référant à l'évolution de la population: structurel, démographique, mouvements migratoires (CSP, classes sociales, hiérarchies différentes)ainsi que les sources où sont puisés ces critères.

b)   Les critères se fondant sur les caractéristiques du patrimoine immobilier d'habitation disponible, ainsi que les conditions de son utilisation.

Les critères qui restituent le logement dans son environnement.

  a)Critères relatifs à la population

L'évolution des besoins en habitat vont dépendre en premier lieu des caractèristiques démographiques de la population considérée.

Nous avons d'abord les indications classiques d'évaluation de la population: taux de natalité et de mortalité, taux de fécondité; auxquels il faut ajouter les indicateurs de phènomènes de migration des zones rurales vers les zones urbaines.

Il faut attirer l'attention sur le fait que la relation entre croissance de la population et évaluation des besoins en matière de logement se fait à travers les structures familiales et des ménages.

Ce qui précéde ne veut nullement dire qu'il est inintéressant de disposer d'une norme ou d'une base de référence de la famille type. On la calcule généralement en divisant la population résidente par le parc-logement à un moment t.

Mais examinons en premier lieu les différentes sources qui servent d’outil de connaissance de la population:

                        a.1. Le Recensement Général de la Population et  de l’Habitat :

Lors de chaque recensement général de la population, une information considérable et intéressante est rassemblée que l’Institut National de Statistique présente sous forme de tableaux. Mais il faut souligner que lorsqu’on travaille sur un îlot d’habitation ou un quartier les tableaux statistiques ne sont pas d’un grand secours étant donné la globalité de leurs données.

Que faire ? A ce moment, on peut avoir recours  directement au fichier de l’INS dont l’exploitation directe peut être une solution puisqu’elle nous permet de disposer d’informations précises grâce aux fiches nominatives.

Une première remarque s’impose, c’est que les fichiers sont conçus par des enquêteurs qui les ont organisés en fonction d’usages précis : l’outil commande alors l’objectif que l’on se donne, il n’est donc pas ordonné à une problématique que l’on choisit.

Une seconde remarque vient du fait que le recensement ne donne qu’une « photo » à un moment donné de la personne ou du ménage. Il permet de savoir par un certain nombre d’éléments la situation du ménage ou de l’individu. Mais le recensement laisse sans réponse un certain nombre de questions comme par exemple : l’activité exercée dans la passé ; l’ancien logement dont on ne connaît ni la taille ni le confort ; etc... Ce sont les limites du fichier du recensement.

Par contre, l’enquête permet, à partir d’une hypothèse et une problématique qu’on a choisies soi-même, d’enregistrer un certain nombre d’informations qui prennent en considération l'aspect dynamique de la situation résidentielle en reconstituant l’unité de la personne ou du ménage dans le temps au lieu de la figer dans le présent.

D’une façon générale, les analyses de processus ne peuvent se faire sur la base des données du  recensement.  

Cependant, comme nous l’avons vu, les renseignements tirés du recensement, aussi partiel soient-ils, permettent de mettre en évidence des types de population, de répérer leur  aires d’implantation et d’apprécier approximativement leurs besoins.

 

 

a.2. Le fichier des candidats au logement :

Dans certains cas (comme par exemple pour les opérations d’habitations de promoteurs immobiliers publics ou privés) nous pouvons disposer du fichier exhaustif des acquéreurs de logements et donc de données les concernant.

Dans ces cas, la règle veut que chaque candidat à un logement remplisse une fiche et un dossier  pour que sa demande soit prise en considération. Sur la fiche de renseignements à remplir par les deux conjoints les questions sont nombreuses et intéressantes. Elle concernent généralement : Nom et prénom, date et lieu de naissance, nationalité, adresse, profession, revenu mensuel, retenues sur salaires, propriétés immobilières, date et lieu du mariage, nombre et qualité des personnes composant le ménage.

Face à cette masse d’informations on risque de conclure de conclure rapidement que cette source est riche et variée. En fait, ces données doivent être maniées avec prudence car il arrive que certaines réponses soient mal remplies ou absentes parce que le candidat a intérêt à ne pas donner l’information ou que le promoteur immobilier n’y attache pas d’importance. Par exemple, le travail de la femme n’est pas déclaré dans le cas où le salaire du mari est suffisant pour rassurer la société sur sa solvabilité; ou le nombre de personnes hébergées est sous évalué lorsqu’il est important.

En outre, les termes utilisés dans ces fiches pour parler de la situation professionnelle manquent souvent de précision lorsqu'une nomenclature précise n’est pas donnée : on utilise des catégories trés approximatives comme employé de bureau, de commerce, ou celui  d’ouvrier.

Mais malgré toutes les imperfections citées précédemment cette source est très riche et son analyse est d’autant plus intéressante que l’on peut en disposer assez facilement dans toute grande opération d’habitation.

L'examen des sources nous permet d'identifier des populations du point de vue des caractéristiques socio-démographiques en isolant, par exemple, les trois variables suivant:          

·      Les caractéristiques d’âge :

Exemple : La structure par âge suivante :                                                                                                                                                   Moins de 1O ans : 31%

Moins de 15 ans :  42%

Moins de 25 ans :  56%-                                                                                                      Moins de  40 ans : 84%

Cet exemple montre la faiblesse relative des effectifs entre 15 et 25 ans, période d’entrée au travail.

On cherche souvent à prendre en considération l'âge à partir duquel la demande de satisfaction du besoin en logement peut-être prise en considération .La réponse dépend de la société concernée et de son niveau de développement .

Dans les pays à système capitaliste, c'est la capacité financière qui détermine la satisfaction du besoin en logement .L'acquisition pouvant être réaliser soit pour disposer d'une résidence principale ou secondaire, ou bien encore pour une opération de spéculation.

Dans les pays où la politique de l'habitat planifie demande et offre de logements, on cherche à respecter une certaine justice et équité sociale en fixant des critères pour l'attribution des logements bénéficiant d'une aide publique ( critères de l'âge, de non-propriété, de niveau de revenu, nombre d'enfants, etc.)

·      La taille des ménages :

C’est le nombre moyen de personnes/ménage. Si nous faisons par exemple, une enquête dans des logements fournis  par la Caisse Nationale de Retraite, nous trouverons sûrement une taille de ménage élevée. La raison est que ce genre d’organisme s’intéresse en priorité aux mal-logés, aux familles nombreuses et chargées d’enfants dont les revenus sont relativement bas. C’est une population dont les caractéristiques s’opposent sûrement à celles qu’on trouvera dans des logements fournis par des promoteurs privés.

·      La composition sociale ou les Catégories Socio-Professionnelles et le budget :

A quelles catégories de population les logements sont-ils destinés ?

C’est une question qui revient souvent et qui nécessite une grille de professions ou une nomenclature : Ouvriers, employés, cadres moyens, cadres supérieurs, professions libérales, commerçants, artisans, agriculteurs ...                    

En déterminant la CSP on demande souvent quel le montant du revenu.

Il existe selon les problématiques et les sujets d’intérêt une batterie de questions et de variables encore plus large.

Pour illustrer l’importance de l’étude de la population, supposons que l’on s’intéresse à l’étude des facteurs de ségrégation sociale et spatiale. Nous constaterons que l’analyse des caractéristiques des différentes populations est inévitable si l’on veut savoir par exemple si les différences de revenus et de structure de la famille sont à la base de la tendance des hommes à se regrouper entre semblables, surtout dans une société qui creuse les écarts de revenus et leur donne une signification si forte.

Nous pouvons aussi à partir du constat de ces différences sociales nous poser des questions sur le rôle des constructeurs et des gestionnaires du parc logement dans les phénomènes de ségrégation spatiale et sociale constatés dans les villes.

b) Les critères relatifs à la situation résidentielle:

Chaque société dispose à un moment donné de son développement d’une population d’une taille et d’une structure particulières et d’un parc logement répondant à certaines spécificités quant à son volume, à son état, à sa typologie ou aux conditions de son utilisation.

La relation à tirer de la confrontation entre les deux grandeurs population - parc  logements, figurant sur le tableau ci-après, donne les indications suivantes :

 

Année a

Année b

Population résidente

X1

Y1

Parc immobilier

X2

Y2

Taille des ménages

X1/X2

Y1/Y2

·      Le taux d’occupation par logement : « T.O.L. »                                     

Il établit le rapport entre la population globale et le parc de logements habités et nous permet de mesurer  le « surpeuplement des logements ».[B1]  Exemple: entre les deux recensements de 1966 et 1975 le T.O.L. est passé de 6,15 à 6,67 personnes/logement à Tunis.

·      Le taux d’occupation par pièce: «  T.O.P »

C’est le rapport de X1 sur le nombre de pièces  du parc logement. La " norme                                                            internationale en la matière est de = 1 personne / pièce.

·      le taux d'entassement:  Z                                                                                                                                                                                

 Si Y1 > X1  et Y2 > X2  alors Z  =   [ Y1/Y2   - 1 ] x 100                                                                                             X1/X2                          

Ce calcul peut être fait proportionellement à chaque type de logement ou par localité, région...

Il correspond à l'augmentation de la taille du ménage par logement et se manifeste par la réduction de l'espace vital habitable, la détérioration des conditions de confort et de la qualité de la vie telles l'intimité, la cohésion, l'harmonie, la communication. Dans des pays telle que la Tunisie la tendance est à la "mononucléarisation" et à la dislocation de la famille élargie, ce qui a pour effet une diminution de l'entassement.

·      Le nombre de logements disponibles par millier d'habitant  (N)

N =  X2   x  1000 

               X1

On peut examiner la variation de N entre deux recensements ou comparer N dans   des pays différents.

                                                         ·      Le nombre de ménages pour mille logements disponibles:  (M)

.M =  Y1   x  1000

          Y2

Il est possible ici aussi d'étudier les variations sur une année, région ...

Quand M augmente d'année en année, Z augmente ce qui correspond à l'aggravation

de crise du logement.

·      La superficie couverte par habitant : « S.C.H. »                                  Elle met en relation la surface totale des logements par rapport au nombre de personnes y résidant.

·      La superficie nette habitable par personne : « S.N.H.P. »                    Elle s’obtient en retranchant de la S.C.H les superficies nécessaires à l’habitat mais non directement et continuellement utilisable par l’habitant : balcon, cuisine, placard, salle d’eau couloir, entrées, garage, cage d’escalier etc...

·      Le volume disponible par habitant: « V.D.H. »

    C’est un critère qui combine superficie et hauteur des logements.

                                                    ·      Taux de vieillissement du parc immobilier comme critère d'appréciation:

Il peut rendre compte de l'état de vétusté du parc logement dans la mesure où  l'on admet, en général, que le niveau de qualité de l'habitabilité d'une demeure diminue avec son vieillissement et, qu'au fil du temps, la construction intégre des éléments de confort découlant des progrés enregistrés dans le domaine.

On considère généralement qu'on peut appliquer le qualificatif "vètuste" à toute habitation ayant dépassé 50 ans d'âge.

·      Réseaux divers et qualité d'habitabilité:

Le rattachement aux réseaux d'eau, d'électricité, de gaz et d'assainissement sont souvent prix en compte pour évaluer la qualité du parc immobilier.

            Il existe encore un ensemble d’autres critères qui permettent de caractériser le logement et que nous citons sans entrer dans le détail : Le statut du logement (location, propriété) ; les éléments de confort  (W.C., douche ou baignoire chauffage, téléphone...); le type (haouch, maison traditionnelle, villa, appartement ...

c) Critères relatifs à l'aménagement de l'environnement

Le logement quelque soit son confort et son équipement interne, ne peut à lui seul satisfaire toutes les conditions d'habitabilité. L'environnement extérieur participe pleinement à faire qu'une habitation soit d'une bonne qualité résidentielle.

En effet, les moyens de transports collectifs, les moyens d'éducation pour les enfants, les moyens de culture et de loisir, les moyens d'hygiène et de santé publique, les moyens d'information, d'expression, de sécurité gagnent à être assurés dans l'environnement des zones habités pour garantir le bien être et l'épanouissement des résidents.

Par conséquent, le besoin de logement ne peut être dissocié des autres besoins d'habitation et de vie. Ainsi offrir des logements sans un aménagement minimum de l'environnement, peut aboutir, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, à une détérioration, au plan global, de la situation de l'habitat.

Pour cette raison, il ne faut nullement négliger les problèmes d'aménagement et d'urbanisme, la réglementation relative à l'utilisation des sols et aux lotissements, ainsi que les grilles d'équipement, qui ont une grande influence sur la situation de l'habitat et sur son niveau de développement.           


 

a nalyse qualitative du logement

 

 

a)l’etude de la satisfaction de l’habitant :

Le logement, aussi spacieux soit-il, aussi confortable soit-il, aussi équipé soit-il ne suffit pas, à lui seul, pour rendre compte du degré d’habitabilité entendu comme évaluation du niveau de satisfaction du ménage dans sa globalité et de chacun de ses membres en particulier.

Pour connaître le niveau de satisfaction des habitants les enquêtes sociologiques se sont efforcées de traduire les opinions des habitants eux-mêmes par rapport à leur logement.

Pour pouvoir évaluer correctement le niveau de satisfaction il faut rechercher les jugements émis dans des logements de types différents et habités par des habitants ayant des situations sociales et personnelles différentes afin de pouvoir mesurer les différences.

La satisfaction exprimée est influencée par plusieurs facteurs autres que le logement. Ainsi il arrive que des personnes ayant des conditions de logements médiocres les jugent bonnes parce que leur jugement est influencé par leur attitude à l’égard du quartier.

Sur un autre plan, la satisfaction est dépendante de la place de chaque habitant dans la hierarchie sociale : supposons qu’un logement d’un certain type représente pour les couches sociales moyennes auxquelles il est destiné un niveau de confort bien supérieur à celui des anciens logements et par là, jusque dans l’effort budgétaire, une promotion.

On peut s’attendre à ce que cette catégorie de logement soit en général plus favorablement jugée par ces couches moyennes que par les couches sociales supérieures parce que plus aptes à s’installer ailleurs. Pour ces dernières le logement concerné est considéré dans ce cas comme une étape dans la carrière résidentielle.

Les couches sociales très défavorisées risquent elles-aussi d'avoir une évaluation critique de ses conditions de logement parce que soumises à des difficultés budgétaires très grandes.

Nous pouvons donc dire que généralement les habitant formulent une appréciation positive du type d’habitat dont ils bénéficient dans la mesure où celui ci vise, dans l’ordre des budgets et de la hiérarchie sociale, ce profil de population.

Autrement dit, la satisfaction que les représentants d’une catégorie de la population éprouve est suscitée par la signification que prend aux yeux de cette population le niveau de confort et de peuplement de leur logement dans le contexte actuel des possibilités objectives que cette catégorie aurait ailleurs en ville.

On peut avancer que la relation symbolique subjective (la satisfaction) d’une population à son cadre de vie exprime et confirme cet ordre des choses qui lui est réservé par la politique de l’habitat, en fonction de la place qu’elle occupe dans la société.

Cette concordance ne veut pas dire que cette catégorie de logement soit la meilleure possible, ni même la seule possible. Une évolution des exigencesde la population pourrait se produire sous l’impact de divers facteurs- comme par exemple l’élévation du niveau de vie-  entrainant une transformation de l'attitude des habitants à l'égard de leur situation résidentielle.

b) Les pratiques du logement 

Pour étudier les pratiques qui se développent dans le logement, il faut aborder les deux dimensions suivantes : l’appropriation de l’espace du logement et la socialisation de celui-ci.

            b.1 L’appropriation de l’espace du logement :

La condition nécessaire à l’appropriation de l’espace du logement n’est pas la propriété qui apparaît plus comme un moyen que comme une fin (« marquer » l’espace, ce n’est pas se référer à une abstraction, la propriété). Dire, par exemple, que les animaux ont l’instinct de propriété, qu’ils défendent « leur » espace, c’est interpréter des comportements qui sont simplement relatifs à des opérations.

Si nous définissons en général la notion « d’appropriation », nous dirons que c’est une pratique spatiale découlant de l’insertion d’un individu dans un espace et se traduisant par des conduites d’aménagement.

Ainsi l’appropriation apparaît comme la projection de la conduite humaine sur l’espace. Elle peut revêtir plusieurs formes.

·      Le regard est la forme minimale d’appropriation de l’espace extérieur.

·      L’aménagement de l’espace par la personne grâce à la disposition d’objets représente d’une part une image de soi offerte ou imposée d’une certaine manière à l’autre et d’autre part, un rapport plus ou moins intense avec cet espace.

·      La délimitation de sous-espaces à l’intérieur d’un espace qui se manifeste par :

Þ  La fermeture topologique (un obstacle au regard de l’autre et la domination visuelle à l’intérieur du domaine délimité).

Þ  Le marquage des lieux

Þ  La liberté d’accomplir certains actes à l’intérieur de cet espace.

Goffman (E. Goffman «  la mise en scène de la vie quotidienne » Paris - Editions de minuit 1973) a tenté de développer la notion d’appropriation de l’espace en avançant l’idée qu’elle consiste en l’utilisation d’un ensemble de « marqueurs ». 

Goffman divise les « marqueurs » en plusieurs catégories :

·      Les marqueurs centraux : ce sont les objets placés au centre de l’espace dont ils annoncent la revendication (c’est le cas du bouquet de fleur dans certains bureaux par exemple).

·      Les marqueurs frontières ou bornes : ce sont les objets qui marquent la limite entre deux espaces adjacents. Notons que lorsque les marqueurs frontières sont placés de part et d’autre d’un individu ou bien devant et derrière lui, ils ont une fonction d’espacement et assurent un espace personnel à leur utilisateur.

·      Les marqueurs signets représentent à travers un objet de véritables signatures (exemples, noms gravés sur une table, affaires personnelles posées sur un siège de train).

L’appropriation de l’espace ne se réduit pas au marquage, elle se fait aussi par la familiarisation avec l’espace et la construction pour en faire un univers personnel. Un individu n’aménage pas seulement un lieu, il dispose les choses d’une certaine manière et y ajoute des intentions et des intensités personnelles. A travers ces comportements se profile aussi une façon de vivre les relations sociales.

Examinons comment se concrétise l’appropriation de l’espace dans le cas du logement ?

A ce niveau, l’habitant s’approprie l’espace de sont logement par un certain nombre d’opérations dont les principales sont :  l’aménagement, l’entretien et le bricolage.

·      L’aménagement : l’appropriation dans ce cas consiste à pouvoir aménager, transformer et décorer son espace.

Le propriétaire d’un logement ressent en général comme une obligation de marquer son espace, sans doute parce qu’il témoigne pour lui, qu’il exprime sa personnalité ou son désir d’affiliation (espace de représentation).

Les aménagements sont de type différent, nous ne pouvons pas mettre sur le même plan « mettre le confort » (installation de la salle de bain, placard, cuisine, etc ...) par exemple et « transformer » complètement l’organisation des pièces telle qu’elle a été imposée par l’architecte ;

·      L’entretien : Dans l’entretien s’expriment à la fois une tendance vers le rangement et l’organisation de l’espace, et un rapport culturel entre le propre et le sale. (Ce rapport est culturel parce que l’espace du propre et du sale sont variables suivant les cultures).

L’entretien est pour de nombreuses femmes ce que le bricolage et pour l’homme.

·      Le bricolage : c’est un moyen de marquer son espace, de l’aménager et cela peut représenter une économie.

Le bricolage exprime aussi un investissement affectif dans le chez soi.

            b.2. La socialisation de l’espace du logement :

L’appropriation de l’espace dépend en premier lieu des opération que l’habitant peut y faire pour le marquer, le clore, le transformer etc... la socialisation c’est la capacité de l’espace, de recevoir un réseau de relations sociales, qu’il s’agisse, des relations à l’intérieur du groupe familial, ou des relations qui règlement les rapports de la famille avec l’extérieur (famille au sens large, amis, relations, voisins, visiteurs, etc...).

 

Les différents espaces du logement sont ainsi organisés en fonction d’un ou de plusieurs modèles culturels. L’opposition entre  « public » et «privé » joue dans ces modèles un rôle important.

Dans un habitat de type occidental cette organisation peut se résumer dans le tableau suivant :

ESPACE PUBLIC

ESPACE SEMI-PUBLIC

ESPACE PRIVE

Entrée, salon ou

 à défaut salle à manger

Salle de séjour

Chambre d’enfants

Cuisine

Chambre conjugale

Le propre et l’ordre sont des qualités essentielles des espaces publics et autant que possible des espaces semi-publics.

La répartition des rôles à l’intérieur de la famille se superpose à cette organisation de l’espace et assigne aux différentes pièces d’autres contenus :

DOMAINE DE LA FEMME

DOMAINE DE L'HOMME

DOMAINE DU COUPLE

DOMAINE DES ENFANTS

DOMAINE DE LA FAMILLE

Cuisine

Bureau

Chambre conjugale

Chambre des enfants

Salle de séjour

L’opposition travail/loisir en tant qu’activités de type différent divise également l’espace du logement. Cette division recoupe l’assignation des espaces en référence aux rôles masculin/féminin, à l’organisation familiale etc...

 

TRAVAIL

LOISIR

Femme

Cuisine

Salle de séjour

Homme

Bureau à défaut chambre

 "

Enfant

Chambre

 "

Famille

 

 "

 

De plus la socialisation de l’espace implique l'orientation selon 2 axes :

·      Un axe vertical : exemple : la maison à l’étage est associée à la fatigue, la maison au RDC à la disponibilité et à la facilité.

·      Un axe horizontal  (devant - derrière.): Le logement n’a ni un devant ni un derrière prédéterminés, c’est une opposition qui se construit par les significations suivantes :

 

DEVANT

VOIR-ETRE VU

PUBLIC

ESTHETIQUE

Derrière

Ne pas voir / Ne pas être vu

Privé

Fonctionnel

 

           

            b.3. Les rapports de voisinage

Dans la socialisation du logement la dimension du voisinage joue un rôle stratégique, puisque l'habitant est appelé à développer dans son quartier un certain nombre de relations qui ne doivent pas être en contradiction avec la recherche d’une maîtrise de l’univers privé. c'est à cette condition que le voisinage contribue à la satisfaction que l’habitant retire de son logement.

Quel est le contenu de la vie de voisinage et des relations avec les voisins ?

On définit la vie de voisinage par le réseau  d'échanges de services et d’information, et par un degré minimum d'acceptation des conduites personnelles entre-ceux qui vivent les uns près des autres, quelque soit la manière dont cette proximité est définie.

Le rapport de voisinage est régie par une double tendance : l’habitant veut bénéficier de la sollicitude des autres, il veut être admis d’une part, mais il craint cette que ouverture du groupe de voisinage diminue son autonomie propre d’autre part.

Cette double exigence implique une « diplomatie dans les relations de voisinage » qui est une sorte de limites qu’on s’impose dans les rapports concrets.

Existe-t-il différentes sortes de rapports de voisinages ? Représentent-ils des degrés différents d’implication pour l’habitant ?

On dénombre généralement quatre types de relations entre les voisins:

·      Le refus de rapports avec les voisins : l’habitant refuse le contact et dénigre le voisin dans ses moeurs et ses coutumes. Ce voisin et considéré comme un voleur de chez soi, il trouble l’intimité par le regard, l’ouïe, le bruit qu’il fait. Il impose son existence à l’intérieur du logement.

·      L’échange  minimum avec le voisin : se dire bonjour - bonsoir.

·      L’échange moyen: les services rendus ou demandés 

·      L’échange maximum: recevoir et être reçu, et la possibilité de transformation des        relations de voisinage en relation « entre amis ».

   Comme nous le remarquons les relations de voisinage se manifestent par des actes et des attitudes qui matérialisent en quelque sorte, son étendue, son contenue et sa fréquence. Ils nous permettent de relever un certain nombre de pratiques qui ont un caractère transitionnel mêlant l’intérieur du logement et son environnement immédiat.

c. Le quartier

            c.1.- La notion de quartier

Le terme « quartier » a acquis une multiplicité de significations dans le langage due au fait que le terme renvoie à une réalité changeante en fonction des réalités socio-urbaines et des aires culturelles.

Si on prend, par exemple, le terme « houma » (quartier en arabe) employé par les habitants de la médina, il ne recouvre pas la même réalité socio-urbaine que le terme quartier

employé pour désigner un lieu ou un territoire déterminé en France.

De plus, l’habitant de l’agglomération accorde une place particulière à son quartier parce qu’il constitue son cadre de vie et le lieu où se passe une partie non négligeable de son quotidien. Il cherche donc à l’investir psychiquement et socialement, étant de surcroît le prolongement immédiat perçu et vécu de son logement.

Le quartier contient plusieurs réalités et relève de différentes approches que M.J. Bertrand a synthétisé dans son livre « Pratique de la ville » (Masson, Paris, 1978) en distinguant : « le quartier sociologique, qui est le plus élaboré, est fondé sur la notion de proximité, de voisinage, car les phénomènes de partition sociale, politique ou économique rassemblent dans des types d’habitat caractérisés, dans certains îlots ou groupes d’îlots, des personnes appartenant à des catégories socialement proches ou complémentaires » ; mais aussi « le quartier géographique qui apparaît souvent dans un nom, un lieu-dit .... mais psychiquement cette appartenance (à un quartier) fait que sortir de son quartier devient pour certains une aventure, toujours un dépaysement. Pour la ménagère, faire un achat ou une visite « dans le quartier » ou « en ville » n’a pas la même valeur psychosociale, les comportements, la manière de s’habiller ne sont pas les mêmes, surtout pour les classes populaires, les plus captives de leur milieu. Nombre d’habitants ignorent les autres quartiers de leur cité et cette connaissance diffère selon qu’il s’agit de l’homme ou de la femme. Dans les grandes villes où aires de résidence et aires d’activité sont dissociées - problèmes des villes dortoirs et des migrations alternantes - la femme organise la vie résidentielle et domine dans la conception mentale du quartier » ; et enfin « le quartier, secondement, à une réalité socio-administrative par la polarisation qu’exercent les équipements ... Les services de plus en plus nombreux réclamés au monde urbain moderne ne sont pas tous distribués à domicile, certains sont dispensés par des établissements localisés dans l’espace en fonction des habitants-clients...  L’organisation de l’espace est donc liée aux comportements de consommation des résidents qui habitent, mangent, lisent, se distraient, ... ».

Les définitions que donne M. J. Bertrand du quartier montrent qu’il est varié et complexe et ne peut être le fait d’une seule discipline ou d’une seule approche.

            c.2. Les pratiques du quartier

La notion de quartier renvoie à deux aspects importants : le quartier en tant qu’unité de consommation et le quartier résidentiel.

Ces deux aspects impliquent des pratiques de nature différente parce qu’elles touchent des niveaux différents de la vie de l’habitant.

                        c.2.1.  Pratique de la vie sociale de quartier

S’interroger sur la pratique de la vie sociale de quartier conduit à aborder deux niveaux d’analyse : les relations sociales dans le quartier et l’intensité de la participation sociale à la vie de quartier.

Dans tous les cas, les rapports de voisinage sont un indicateurs intéressant de la pratique de la vie sociale qui, associé à l’analyse de la sociabilité de quartier, permet d’apprécier l’ambiance spécifique de vie collective de quartier.

Pour rendre plus complète la définition du quartier l’analyse des pratiques et des habitudes de consommation est nécessaire.

 

                        c.2.2.  Les pratiques de consommation

Avant d’aborder les pratiques de consommation proprement dites, une description du niveau et du type d’équipement est indispensable.

·      Les pratiques d’achat

La fréquentation du commerce de quartier organise l’espace de consommation de l’habitant et implique des pratiques d’achat spécifiques où des facteurs tels que la proximité du commerce, la nature des produits achetés et le rapport au vendeur jouent un rôle important.

L’autre intérêt de l’étude des pratiques d’achat au quartier est la mise en relief de la sélection sociale que ces pratiques opèrent parmi les habitants consommateurs.

·      Les pratiques culturelles et ludiques

La réalité de l’équipement de l’espace urbain nous pousse à évaluer les possibilités réelles qu’elle recèle en matière d’activités culturelles et de loisirs.

De plus, l’aire civilisationnelle à laquelle appartient la Tunisie implique un contenu particulier de ce que l’on entend par pratiques culturelles et de loisirs de l’habitant.

Dans tous les cas, la réaction du résident vis-à-vis de l’existence ou de l’absence de pratiques culturelles et ludiques est à prendre en considération.

Les pratiques culturelles et de loisirs constituent la forme la plus expressive de l’utilisation du temps hors travail et ont donc des significations et une ampleur à préciser selon les catégories sociales des populations concernées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C ONCLUSION

 

 

 

Le logement: une vieille question sociale en des termes renouvelés

L'actualité nous apprend chaque jour, qu'aussi bien dans les villes du monde développé que celles du Tiers-Monde,  les problèmes de logement sont l'ordre du jour. Il ne serait pas faux d'affirmer qu'en cette fin de siècle, la politique de l'habitat est en face de situations sociales souvent alarmantes.

Cette hiérarchie dépendant en grande partie du niveau de solvabilité de la population.

En effet, si on exclut un faible pourcentage de population qui dispose d’assez de moyens pour s’offrir un logement à sa convenance, on peut dire que la grande masse des candidats au logement est organisée d’une façon fortement hiérarchisée à l’égard de l’accès au différents catégories de logements.

On peut aujour'hui distinguer six strates principales correspondant à des catégories de logements et des populations résidentielles distinctes:

1/ Les couches sociales qui disposent de revenus suffisants et stables qui les autorisent à devenir propriétaires de leur logement, en dehors de toute aide publique ;

2/ Les couches sociales qui peuvent louer un logement du secteur privé

3/ Les couches sociales qui peuvent prétendre soit à l’achat, soit à la location d’un logement ayant bénéficié d’une aide publique.

Ces trois catégories de population sont assez proches les unes et les autres, et le passage de l’une à l’autre, grâce aux mobilités sociales et résidentielles, reste possible.

Par contre,

4/ Les personnes et les ménages ne disposant que de faibles ressources se trouvent réduits à rechercher un logement dans les multiples formes d’habitats hors normes.

5/ Ceux qui n’ont aucun moyen d’accéder à aucun segment du marché du logement et qui se trouvent renvoyés à la rue.

Cette classification est valable pour les pays dits « industrialisés ou avancés » ; dans ceux qu’on désigne par pays en voie de développement, il faudrait ajouter:

6/ Une catégorie de citoyens pour qui l’important n’est pas de disposer d’un droit régulier au logement, mais de trouver où se fixer au sein de l’espace urbain[3].

Nous sommes donc en présence d'une crise du logement qui se posent en des termes nouveaux puisqu'elle est actionnée par des facteurs différents de ceux qu'on avait connus, par exemple, à la fin du 19ème siècle.

Les manifestations de la crise peuvent être résumées dans les traits suivants:

·      La mondialisation et son corollaire, la délocalisation des activités économiques entraînant la perte d’emploi d’un nombre de plus en plus important de personnes, c’est une nouvelle menace pour leur situation résidentielle;

·      Le renchérissement des coûts des logements offerts et la sélection de plus en plus forte des candidats à l’épargne - logement limitant les possibilités d’accès des couches moyennes et populaire à un logement décent ;

·      La crise économique des pays « socialistes » qui a généré une crise du logement pour des couches sociales qui se sont crues pendant des dizaines d’années protégées ;

L’élargissement de la pauvreté et de l’exclusion à des espaces économiques et des couchez sociales qui se croyaient à l’abri de ces phénomènes de rejet. On trouve aujourd’hui des Sans Domicile Fixe aussi bien à Calcutta, qu'à New-York et à Moscou.

La recherche d'une réponse à la crise du logement

Une idée nouvelle est en train de voir le jour : l’urgence est d’abord dans le traitement de la ville plus que dans la recherche de réponse directe à la question du logement. Ce qui est donc considéré comme priorité, c'est la satisfaction des besoins de base des communautés urbaines : aménagement de voiries, adduction d’eau et d’électricité, construction de réseaux d’assainissement, organisation de transports en commun, création d’équipement et de services publics dans les quartiers les plus défavorisés.

Dans les pays en voie de développement de tels aménagements urbains sont une reconnaissance de fait, par les pouvoirs publics, de ce qui n’était jusqu’alors que quartiers irréguliers, hors la loi.

Une autre composante des nouvelles politiques du logement et de la ville vise la création de disponibilités foncières ouvertes aux plus démunis (petites parcelles de 100,200,300m2). On pense qu’avec cette garantie de la propriété foncière, la population est capable de s’organiser afin de répondre à sa demande d’habitat en comptant sur ses propres capacités[4].

Dans les pays développés, pour affronter la crise et trouver des solutions dans des situations souvent de tension sociale et politique: on a opéré une sorte d'inversion des priorités de l'économie libérale en faisant jouer la prééminence du droit au logement sur le droit de propriété. L'appareil législatif mis en place a permis la réquisition de logements inoccupés au bénéfice des personnes sans abri.

Enfin, l'approche actuelle de la problématique de l'habitat tend à mettre en relation la question du logement à la question de l'emploi ( ou de la lutte contre le chômage ) et à la question de la ville. Et ce n’est qu’en réfléchissant aux différentes interactions entre ces trois niveaux qu’une solution à la crise du logement peut être trouvée.

 

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

 

Bachelard (G.)

« La poétique de l’espace »

Paris, PUF, 1961, 214 p.

Baudrillard (J.)

Le Système des objets

Paris, Gonthier, 1969 - Collection Mutations

Boudon (Ph.)

« Pessac de le Corbusier »

Paris, Dunod, coll. Aspects de l’Urbanisme, 1969, 153 p.

Brochmann (O.)

« Formes d’habitation et forme de vie »

Etude sur l’habitation  effectuée par : « Le bien de la ville d’Oslo » traduit par le CSTB.

Chombart de Lauwe (P.H.)

« Sociologie de l’habitation, méthodes et perspectives de recherches »

in Urbanisme, n° 65, 1960.

Chombart de lauwe   et           l’équipe du Groupe d’Ethnologie sociale

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Paris, CNRS, 1960, 364 p. bibliog. Par chapitre.

Clerc (P.)

« Grands ensembles, banlieues nouvelles. Enquête démographique et psycho-sociologique »

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Guerrand (R.H.)

« Les origines du logement social en France »

Paris, Editions Ouvrières, 1967, 60 p., bibliog.

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« Les Pavillonnaires. Etude psycho-sociologique d’un mode d’habitat »

Paris, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1966, 248 p.

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« L’image de la cité »

Paris, Dunod, 1969, 222 p. bibliog.

Moles (a)  et E. Rohmer

Psychologie de l’espace

Paris, Casterman 1972 - Collection Mutations

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« Les attitudes des Français en face du problème du logement ».

Paris, Oct. 1961.

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Pour une anthropologie de la maison - Londres 1969

Paris, Dunod, 1972.

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Paris, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1966, 150 p.

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« La politique pavillonnaire »

Paris, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1966, 360 p., bibliog.

Raymond (H.)

« L’analyse de contenu et les entretiens non-directifs : application du symbolisme de l’habitat »

in Revue Français de Sociologie, IX, 1968, pp. 167-179, bibliog.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

P RESENTATION

MotivationS

I NTRODUCTION

Les trois moments de la question du logement 

1. Fonctionnalisme et " habitat pour le plus grand nombre ":

2. L'émergence de l "Habiter":

A NALYSE QUANTITATIVE DU LOGEMENT

 a)Critères relatifs à la population

                        a.1. Le Recensement Général de la Population et  de l’Habitat :

                      a.2. Le fichier des candidats au logement :

b) Les critères relatifs à la situation résidentielle:

c) Critères relatifs à l'aménagement de l'environnement

a nalyse qualitative du logement

a)l’etude de la satisfaction de l’habitant :

b) Les pratiques du logement 

                     b.1 L’appropriation de l’espace du logement :

                     b.2. La socialisation de l’espace du logement :

                     b.3. Les rapports de voisinage

c)Le quartier

                      c.1.- La notion de quartier

                      c.2. Les pratiques du quartier

C ONCLUSION

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Le logement: une vieille question sociale et des termes renouvelés

La recherche d'une réponse à la crise du logement

 

 

 

 



[1] La notion de besoin est sujette à de grandes variations de son contenu, selon de multiples paramètres : dans l’ESPACE et dans le TEMPS, en fonction du contexte historique, social et culturel, de même que la possibilité de faire valoir et prendre en compte l’exigence de ce besoin dépend du contexte dans lequel il s’exprime.

 

[2] On enregistre un essoufflement du projet de développement global promue dans les années soixante et qui était assorti de sa composante urbaine et architecturale, qu’on pourrait résumer dans le mot d’ordre « l’habitat pour le plus grand nombre ».

[3] L’objectif étant de construire un abri, avec ou sans droit de propriété, de façon évolutive, à la mesure des économies du ménage et des aides que l’on recevra et que l’on donnera en retour. Pour ces grandes masses de déshéritées, « le droit à la ville prime sur le droit au logement ».

[4] Cette démarche d’auto-promotion semble intéressante parce que souple et évolutive dans le temps en fonction des moyens dont disposent les ménages intéressés.


 [B1]