samedi 20 novembre 2021

Biographie de Moncef Ben Slimane

 Moncef BEN SLIMANE est né à Bab – Jedid, un quartier périphérique de la médina de Tunis.

Son père, Docteur Slimane BEN SLIMANE , ophtalmologue est une figure illustre de la lutte pour l’indépendance et du mouvement démocratique en Tunisie.

Sa mère, Zohra OUALI, assistante sociale, fut membre de la direction de l’Union des Femmes de la Tunisie, une organisation féministe proche du Parti Communiste Tunisien.


La famille BEN SLIMANE est d’origine de Zaghouan. Toutefois, une recherche généalogique et universitaire l’associe à la tribu Berbère – Amazigh de « Khoms Tifef » dont le territoire se situe au « Jbel Ousselat » (province de Kairouan).



La fraction tribale des Ben Slimane se trouva impliqua entre 1735 et 1762 dans le conflit qui s’opposa Hussein Bey et Ali Pacha. Ayant fait alliance avec le camp perdant des « Bachias », ils connurent le même sort que celui des tribunes montagnardes du Jbel Ousselat qui fut vider de sa population contrainte, en 1762, de s’éparpiller en divers endroits de la régence.  Probablement à cette époque que les Ben Slimane s’installèrent à Zaghouan

 

CURSUS SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE 

Moncef BEN SLIMANE a poursuivi ses études primaires et secondaires (1955 – 1967) au collège Sadiki.



Il s’inscrit par la suite à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines du 9 Avril où il obtient une maîtrise en Sociologie (1973). Il soutiendra en 1984 une thèse en sociologie urbaine.

Il fait ses premiers pas dans l’enseignement au sein de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme (1976 – 2012) ) où il développe un cours d’Anthropologie de l’espace  et un cours de sociologie urbaine.

Il dirigea le département urbanisme et fut élu entre (2000 - 2004) Président de l’Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme .

Ses travaux de recherche et publications les plus importants ont porté sur la sociologie de l’habitat  et le patrimoine urbain .

ACTIVITES SYNDICALES, POLITIQUES ET ASSOCIATIVES

Dès sa première année d’étudiant, il adhéra et fut élu membre d’une section de l’Union Générale des Etudiants Tunisiens. Il participa en février 1970 aux manifestations estudiantines de soutien à la cause Palestinienne et de protestation contre la visite du secrétaire d’Etat américain William ROGERS en Tunisie. Il fut arrêté durant 10 jours à la prison civile de Tunis en compagnie d’une trentaine de militants de l’UGET.

La crise entre le régime de Bourguiba et la jeunesse estudiantine atteint son paroxysme avec le « mouvement de Février 1972 » et suite au coup de force organisé par le Parti Socialiste Destourien contre le 18ème Congrès de l’UGET.


L’implication de Moncef BEN SLIMANE dans les luttes syndicales à l’université lui valut une incorporation dans l’armée pour effectuer une année de service militaire (1973) par mesure disciplinaire, en compagnie d’une cinquantaine de responsable de l’UGET.



Dès le début de sa carrière d’enseignant – chercheur de l’enseignement supérieur, Moncef BEN SLIMANE adhère (1976) à l’Union Générale des Travailleurs en Tunisie (UGTT).

Il milite au sein du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (SNESRS) dont il devient le secrétaire Général en 1984.

Durant l’année 1985, le SNESRS organisa un nombre de grèves et de sit-in devant le Ministère de l’Enseignement Supérieur en vue de faire aboutir les revendications salariales des Universitaires.

Cette situation génère une tension et affrontements avec la Ministre de l’époque, Abdelaziz BEN DHIA, dont Moncef BEN SLIMANE fut l’une des cibles principales :

·    9 Novembre 1985 : Traduction devant le conseil de discipline accusé d’avoir interrompu une communication téléphonique entre lui et l’un des attachés du cabinet du Ministre.

·        25 Janvier 1986 : Notification de la décision de révocation de l’université

·        26 Janvier 1986 : Interdiction de voyage et retrait du passeport  

·        18 Février 1986 : Mise en résidence surveillée

·        26 Avril 1986 : Réunion de la commission administrative du SNERS et adoption d’une « notion » de dénonciation des événements tragiques qui ont eu lieu sur le campus universitaire

·        14 Mai 1986 : Arrestation dans les locaux de la police politique avec interrogatoire quotidien pendant 8 jours

·        4 Juin 1986 : Traduction en justice pour diffamation à l’égard des instances officielles et de l’ordre public en vertu des articles 50 et 51 du code de la presse et sur la seule base de la notion de la C.A du 26 Avril 1986

·        14 Juin 1986 : Condamnation à une année de prison.

A      A la suite du coup d’Etat du 7 Novembre 1987, le nouveau président Zine el Abidine BEN ALI proclama une amnistie générale des syndicalistes de l’UGTT. Moncef BEN SLIMANE recouvra son poste d’enseignant à l’ENAU et reprit ses activités syndicales.



Durant toute cette période militante, il publia un certain nombre d’analyses , diagnostics  et d’articles journalistiques sur l’université et la réforme de l’enseignement supérieur  – QUESTION PALESTINIENNE ET « NORMALISATION » avec ISRAEL.

A la suite de la signature en accords d’Oslo en 1993, Moncef Ben Slimane prit l’initiative avec quelques personnalités et activistes démocrates et de gauche, d’une déclaration de soutien à ces accords.



Cette position et ses actions de défense des membres de la communauté juive tunisienne quand ils sont victimes d’exactions, firent de Moncef Ben Slimane une cible privilégiée des campagnes de dénigrement menés conjointement par des journalistes et des milieux proches de la police politique et des nationalistes arabes au nom de la lutte contre « la normalisation avec Israël. »

 

AFFAIRE DU RASSEMBLEMENT SOCIALISTE

Le procès – 9 juillet 1986 : 14 personnes dont 8 membres du R.S.P comparaissent devant le Tribunal de Première Instance de Tunis, inculpés du chef de « maintien d’association illégale », soit l’article 30 de la loi du 7 novembre 1959 sur les associations.

On ne connaît pas à Moncef Ben Slimane une appartenance politique partisane.

Tout en étant indépendant et sans aucun lieu avec le RSP, ceci ne lui évita pas une condamnation à 4 années de prison.

Les condamnations du groupe des 14 n’ont jamais été appliquées suite à la reconnaissance par le régime du RSP en tant que parti légal.

ACTIVISME ASSOCIATIF

La révolution tunisienne du 14 janvier 2011  créa un contexte favorable à l’éclosion d’initiatives de regroupement des militants et activistes de la société civile.

Moncef Ben Slimane avec un groupe d’ami(e)s créèrent l’association Lam Echaml   le 29 Avril 2011.

Lam Echaml s’est choisi pour socle de valeurs : le régime républicain, l’égalité totale entre les femmes et les hommes, le respect des libertés individuelles et publiques et le droit à la différence et la liberté de conscience, la séparation entre la religion et la politique, l’attachement au patrimoine et à la civilisation Tunisienne, l’attachement à la culture de la non-violence et à la défense de l’environnement.

Lam Echaml est un espace d’information et de formation en matière de droits de l’Homme, éducation civique et électorale, d’égalité du genre, de la citoyenneté et un lieu d’échanges culturels.





Depuis sa création, l’association Lam Echaml a mis en place plusieurs projets, s’inscrivant dans le cadre de la sensibilisation et de l’incitation au vote, la démocratie participative, la décentralisation, la défense des minorités et la promotion de l’égalité du genre au niveau local.


Après la révolution tunisienne, Moncef Ben SLIMANE continua à s’intéresser aux questions politiques et aux mouvements pour la citoyenneté et la démocratie. En lui compte un certain nombre de contribution et d’articles.

Liens vers articles Moncef Ben Slimane

 https //omct-tunisie.org/dc_storytelling/moncef-ben-slimane/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Slimane_Ben_Slimane

https://www.slimane-ben-slimane.com/

https://www.leaders.com.tn/article/26164-moncef-ben-slimane-la-meforme-universitaire

https://www.leaders.com.tn/article/26628-moncef-ben-slimane-le-statut-des-universitaires-est-caduc-dirait-l-autre

https://www.leaders.com.tn/article/26276-moncef-ben-slimane-la-reforme-universitaire-est-mal-partie

https://www.webmanagercenter.com/2014/06/28/151905/societe-les-faces-cachees-de-la-corruption-dans-le-milieu-universitaire-tunisien/

http://www.lamechaml.org/

https://www.youtube.com/channel/UCvbCR9hrpgReaoc1yhAd4vQ

https://www.facebook.com/lamechaml

https://www.leaders.com.tn/article/28290-moncef-ben-slimane-kais-saied-envoie-la-transition-democratique-au-placard 

https://www.espacemanager.com/le-president-les-400-larrons-et-la-transition.html 

https://www.leaders.com.tn/article/16709-le-patrimoine-de-l-eradication-islamiste-a-la-manipulation-islamophobe

http://kapitalis.com/tunisie/2019/10/11/kais-saied-candidat-de-grande-qualite-avec-un-grand-defaut/

 https://www.leaders.com.tn/article/31234-moncef-ben-slimane-piratage-d-une-revolution-et-hameconnage-d-un president 

http://kapitalis.com/tunisie/2021/08/03/tunisie-lam-echaml-soutient-les-mesures-exceptionnelles-annoncees-par-kais-saied/ 

https://www.leaders.com.tn/article/27930-moncef-ben-slimane-je-vote-utile-et-blanc

vendredi 19 novembre 2021

Les jeunes, Kais Saied et les Autres

 

A l’instar des observateurs de la scène politique tunisienne, notre association Lam Echaml fut surprise par les résultats des élections de 2019. Il nous a donc paru nécessaire d’entreprendre une étude[1] à laquelle une partie a tenté de répondre à une question que s’est souvent posée l’opinion publique : quelles sont les motivations et les facteurs qui ont poussé une majorité des jeunes à voter Kais Saied aux élections de 2019 ?

Plus de 4000 jeunes des deux sexes ont été interrogés dans les 24 gouvernorats de la République.

Cette étude a pu être menée à bon port grâce au soutien de l’Union Européenne et à la collaboration des experts[2], et des enquêteurs/enquêtrices de Lam Echaml.

Une décennie de rupture des jeunes avec la classe politique et l’Etat :

Les élections de 2011, les premières libres dans une Tunisie débarrassée de son régime autoritaire, étaient marquées par une forte participation de la population, d’une part, et une abstention sensible des jeunes, d’autre part. 

Selon notre enquête, cette forte abstention aux élections reflétant les faibles niveaux de participation politique des jeunes, est l’un des multiples paradoxes d’une révolution qui avait été initiée par eux, mais vite subtilisée par les «vieux»[3] politiciens. Pour autant, la faible réponse des pouvoirs établis après 2011 aux revendications des jeunes n’a fait que consolider la rupture entre ces derniers, la classe dirigeante et les instituions de l’Etat.

Les différents gouvernements qui se sont succédé au cours de cette décennie n’ont pas réussi à mettre un terme à la persistance du chômage, à l’aggravation de l’injustice sociale et à la corruption.

 

Les jeunes, Facebook et les élections de 2019 :

Le rendez-vous électoral de 2019 s’est distingué par une forte activité des jeunes sur les réseaux sociaux. L’enquête a d’abord noté que tous les candidats n’ont pas été suivis avec la même ampleur sur Facebook. K. Saied a bénéficié du suivi le plus régulier, suivi de S. Said (8,2%) N. Karoui (6,1%).

Pour K. Saied, ce sont les jeunes des classes moyennes qui l’ont le plus suivi régulièrement sur Facebook. Pour N. Karoui, A. Moussi, Y. Chahed et S. Said, ce sont, au contraire, les jeunes issues des classes supérieurs à la moyenne qui les ont suivis régulièrement.

Le suivi régulier sur Facebook est plus marqué pour ceux qui ont un engagement politique citoyen, alors que le niveau d’instruction n’a pas l’air d’avoir eu un impact sur cette activité.

Quel profil de président les jeunes tunisiens souhaitent-ils ?

Selon les jeunes interrogés, l’intégrité est la première qualité souhaitée pour un président[4]. Ce choix reflète en quelque sorte les problèmes que vit le pays, à savoir : l’extension de la corruption sur tout le territoire.

Les difficultés à gérer les affaires de l’Etat et les problèmes de gouvernance ont conduit les jeunes à choisir l’expérience dans l’exercice des fonctions étatiques comme seconde qualité[5].

Le marasme économique dans lequel le pays s’est enlisé, a amené presque 1/5ème des jeunes à choisir comme troisième qualité : un candidat qui a un programme économique.

Très peu de jeunes ont mentionné l’appartenance à un parti au pouvoir ou à un parti d’opposition.

Malgré le fait qu’on ait observé une forme de régionalisme dans le vote, le choix d’un candidat de la même région n’apparait pas comme qualité importante[6]. Cependant l’appartenance régionale du candidat pèse dans l’orientation du vote sensiblement dans le Nord et le Centre et un peu moins dans le Sud.

Il est intéressant de noter également que la religion a une très faible influence sur les jeunes (2,4%) pour le choix du candidat à la présidence.

Les surprises du second tour des élections de 2019

Le second tour des élections présidentielles a confirmé la forte victoire de K. Saied. Les résultats de l’enquête montrent que 88,7% des jeunes ont voté pour lui et 12,3% pour N. Karoui. Ces résultats sont comparables à ceux trouvés dans les enquêtes menées à la sortie des urnes et qui ont indiqué que 90% des jeunes âgés de 18 à 25 ans ont voté pour K. Saied. Ceux qui ont voté pour lui au premier tour ont renouvelé le même vote (93,5%).

Une année après comment les jeunes jugent-ils l’exercice de K. Saied ?

Après une année à la tête de l’Etat, l’évaluation par les jeunes des performances du Président K. Saied soulève un certain nombre de questions.

Un peu plus du quart des jeunes enquêtés pensent que l’exercice du Président de la République est de bonne qualité, presque la moitié la juge moyenne et le quart qui reste la trouve plutôt mauvaise. Est-ce le signe d’une déception politique ? Est-il assez tôt pour juger des performances de K. Saied ?

 Le croisement de cette évaluation selon le candidat pour qui le jeune a voté au premier tour va nous renseigner davantage.

Dans la cohorte des déçus de K. Saied, les plus négatifs sont ceux qui ont voté pour N. Karoui, A. Mourou, Y. Chahed et S. Makhlouf au premier tour. Par contre 27% des jeunes qui ont voté M. Abbou pensent que les performances du Président sont bonnes alors que 17,6% les jugent plutôt mauvaises. Ces pourcentages sont respectivement de 31,8% et 19,2% pour ceux qui ont voté pour L. Mraihi, et 18,7% et 19,6% pour les électeurs de S. Said.

Une année après : Sont-ils prêts à voter pour les mêmes candidats une secondefois ?

L’enquête de Lam Echaml a cherché à savoir pour qui voteraient les jeunes au cas où des élections se tiendraient aujourd’hui (Décembre 2020). Presque un quart des enquêté(e)s (26,3%) s’abstiendrait et un autre quart (24,6%) est composé d’indécis et ne savent pas pour qui ils vont voter. Pour le reste la majorité voterait pour K. Saied (21,7%), A. Moussi (4,4%) et S. Said (4,8%).

On notera donc que K. Saied n’a pas pu, au cours de cette première année de sa présidence, fidéliser ceux qui sont venus renforcer son électorat au second tour.

La structure du vote (si les élections se tenaient aujourd’hui) semble figée car une grande partie des jeunes qui ont voté pour A. Moussi, N. Karoui, K. Saied et S. Said ne seraient pas enclins à accorder leur voix à un autre candidat, alors que nombre d’entre eux, demeureraient hésitants, ne sachant pas pour qui ils accorderaient leur voix ou même s’ils prendraient la peine d’aller voter.

En conclusion on peut dire que les jeunes vivent l’injustice au quotidien, en plus de leur exclusion sociale, économique et politique, ils sont exposés à différentes formes de violence comme la « Hogra », la violence verbale et physique et la corruption.

Le plus inquiétant, c’est qu’un grand nombre de jeunes pour échapper à leur marginalisation, sont prêt à courir tous les risques. Beaucoup ont déclaré avoir pensé à la « Harga » (la migration clandestine).

En tête de leurs préoccupations, les jeunes placent le travail et la famille avant la religion, la patrie et la politique.

Les attitudes des jeunes vis-à-vis de l’égalité des sexes restent en deçà du niveau souhaité. Parmi les enquêté(e)s plusieurs ont répondu que ce n’était pas une question importante pour eux.

L’étude s’est également intéressée à la question de la séparation entre la religion et la politique : la moitié des jeunes pensent que cette séparation est nécessaire alors qu’un peu plus que le quart d’entre eux ne l’acceptent pas. Cela ne veut pas dire que le principe de laïcité est compris et assumé.

Concernant la répartition des richesses, une minorité de jeunes la juge équitable. Par contre les 2/3 soutiennent que l’essentiel des ressources sont entre les mains de quelques privilégiés.

Cette perception de la société tunisienne n’empêche nullement qu’un grand nombre de jeunes restent optimistes quant à l’existence de solutions pour améliorer les conditions de vie de la population en Tunisie.

L’étude a abordé également un sujet d’actualité : la position des jeunes vis-à-vis des élites et des partis politiques. Les résultats de l’enquête ont montré qu’une grande majorité (les 2/3) des jeunes est contre eux. La déception des jeunes tunisien(ne)s a, dix ans après la révolution, a atteint des proportions inquiétantes, puisque le tiers des enquêté(e)s (appartenant à tous les niveaux d’instruction) pense que la démocratie ne convient pas au pays.

Enfin, les événements du 25 Juillet 2021 qui furent l’expression de la colère des jeunes tunisiens, corroborent ce que l’étude de Lam Echaml a signalé plus d’une année avant : peu de jeunes sont intéressés par la politique, mais ce désintéressement ne veut pas dire la non-participation à l’action politique, citoyenne de protestation qui les attire de par sa spontanéité, son caractère non organisé et quelquefois anarchique. Elle leur donne l’occasion de faire de la politique d’une autre manière.

 




[1] Rapport de Lam Echaml sur: « Enquête sur les déterminants du vote des jeunes tunisiens aux élections de 2019 » (Novembre 2020).

[2] Lam Echaml remercie vivement MM Hafedh Chkir et Ahmed Mzoughi pour le pilotage de cette étude.

[3]Seuls 4% des membres de l’ANC étaient âgés de moins de 30 ans et 17% étaient âgés entre 30 et 40 ans

[4](32,8%) des jeunes l’ont cité en premier.

[5]28,1% pour le total des deux sexes mais beaucoup plus pour les femmes (32,9%) que pour les hommes (23,4%).

[6]Uniquement 4,5% des jeunes l’ont mentionné comme qualité première

mercredi 17 novembre 2021

Je vote utile et… blanc

 Quelques jours nous séparent encore des élections présidentielles et beaucoup de Tunisiennes se posent la question fatidique: «Pour qui allons-nous  voter?»

Seuls les encartés dans des partis politiques voient clairs dans ce flou électoral, mais ceux-là ne dépassent pas 25% des votants toutes tendances confondues.

Ce doute qui plane sur le scrutin du 15 septembre 2019 traduit cette crise de confiance dans les élites politiques nationales et ses racines sont à chercher dans la pléthore des promesses non-tenues par les gouvernements et les représentants du peuple cumulé au cours de ces 9 dernières années.

Comment croire un personnel politique dont la crédibilité auprès de l’opinion publique est largement érodée?

Pourquoi accorder sa confiance à des candidats qui s’affrontent à coup d’insultes et de scandales dans les médias et les réseaux sociaux?

Or, chacun de nous est appelé le 15 septembre 2019 à faire un choix parmi 26 présidents potentiels dont sortira un vainqueur qui devrait avoir les qualités, non seulement politiques, mais également éthiques pour être à la tête du pays de la révolution démocratique.

C’est dire si l’offre politique qui se présente aux citoyennes tunisiennes pose problème.

Aussi l’éventualité du vote blanc s’invite aujourd’hui, tout naturellement dans le débat autour du rendez-vous du 15 septembre.

Qu’est-ce-que le vote blanc?

Commençons par dire que le vote blanc n’est pas une bizarrerie, ni une invention ex-nihilo pour les besoins de cet article.

Le vote blanc est mentionné par les articles 3 et 136 de notre loi électorale et occupe la même place que les autres catégories de suffrages. Son pourcentage est comptabilisé et déclaré lors de l’annonce des résultats définitifs.

N’oublions pas aussi que notre jeune expérience électorale libre et démocratique amène souvent l’électeur à confondre entre vote blanc et abstention.

Le vote blanc n’est pas l’abstention, car il impose la démarche d’aller au bureau de vote, de ne cocher aucun candidat et de déposer son bulletin dans l’urne.

Voter blanc n’est pas une sinécure ou une démission, il est l’exercice démocratique d’un droit constitutionnel et l’accomplissement d’un devoir citoyen.

«J’ai vote Ennahdha a l’insu de mon plein gré»

Parmi les arguments généralement avancéspar les détracteurs du vote blanc,le plus important est : ‘’Ça sert Ennahdha….’’

On peut mettre ce genre de répartie sur le compte de la naïveté, pour certains, et de la tromperie pour d’autres.

Il y’a derrière nous les élections présidentielles de 2014 et le soutien apporté par les démocrates, la gauche, les femmes etc… à feu Béja Caid Essebsi. C’était l’époque de l’appel au fameux « vote utile » Anti Nahdha. On sait malheureusement ce qu’il est devenu, par la suite, de ces bulletins anti-islamistes.

Les majorités parlementaires et les futurs gouvernements à venir se feront difficilement sans Ennahdha.
Quand on ne confond pas bulletin de vote et baguette magique, on est conscient que la véritable lutte contre l’islam politique nécessite encore du temps, des efforts et des sacrifices, pas un simple tour de scrutin.

Et sivous accordez notre voix à un président qui fera alliance en novembre 2019 avec Ennahdha, il ne vous resteplus qu’à dire comme l’autre : ‘’j’ai voté Ennahdha à l’insu de mon plein gré’’.

‘’Choisissons un candidat intègre, compétent et crédible’’

Qui sont les postulants non islamistes à la présidence qui répondraient à ce profil ? quels sont leurs itinéraires, compétences et crédibilité ?

Un premier groupe est représenté des nostalgiques de l’ancien régime, camouflés ou déclarés, qui se réfugient derrière l’argument fallacieux d’avoir servisans s’être servi.

Il existerait un ex-ministre ou haut cadre du RCD « propre » au sens où il n’aurait pas été concerné par les exactions d’un régime répressif mafieux et népotique.

Il serait trop facile et politiquement irresponsable de se dédouaner d’une complicité silencieuse de la dictature.

L’autre lot de candidats est formé par ceux qui ont joué les premiers ou seconds rôles au sein desgouvernements entre 2011 et 2019. Que dire sinon que leur bilan a déjà voté pour eux.

Se présentant souvent comme des technocrates, ils cherchent à nous convaincre que leurs diplômes de sortants de grandes écoles et universitésfrançaises ou américaines les habilitent à diriger un pays.

Manque d’expérience militante ou égo surdimensionné ?Ce sont sans doute de trèsbrillants dirigeants d’institutions financières ou de grandes banques. Présider la Tunisie est une responsabilité bien plus lourde et une mission pluscompliquée.

Bourguiba, licencié en droit, fut un très grand président de la république. Mohamed Ali Annabi, polytechnicien, un très grand ingénieur. The right man in the right place !

Restent les candidatures de cette gauche si chère à mon cœur et dont les luttes et les sacrifices sous la dictature auraient dû la placer à la tête des sondages.Malheureusement ou heureusement ça n’est pas cas.L’alternative démocratique et populaire de gauche est encore incapablede mobiliser le peuple tunisien. Pire de concurrencer les élites néo-libérales même quand elles sont en période de crise.

Les raisons à cette situation sont longues à expliquer et les haranguespopulistes sont plus l’expression du  marasme idéologique et de l’autisme politique qu’un véritable programme mobilisateur.

Enfin, j’espère que nous démentirons les sondages qui placent un candidat en tête de liste et sur lequel pèse un faisceau de soupçons de corruption et de blanchiment d’argent. Il y va de l’honneur et de la dignité des Tunisiens.

Voter blanc le 15 septembre 2019 c’est voter pour le 14 janvier 2011

Face à cette offre politique et ces candidatures, le vote blanc est un choix politique et éthique et ce, pour 3 raisons:
Un: Voter blanc, c’est envoyer un message qui range le système politique actuel dans la classe des systèmes incapables de nous présenter des candidats correspondants à nos convictions et à nos aspirations;

Deux: Voter blanc est un choix. Ce n’est ni un luxe, ni une fuite en avant. C’est l’expression d’une forte réserve d’électrices et d’électeurs qui, j’espère, seront très nombreux.
Réserve qui prendra le 15 septembre la forme du déficit de popularité d’un président qui se doit donc de tout mettre en œuvre en vue de gagner la confiance des tunisiens.

Trois: Voter blanc c’est porter vers les urnes la colère, le mécontentement et les espoirs déçus de millions de tunisien-e-s.
Le ‘’parti du vote blanc ‘’(et là c’est une vraie métaphore !) est le parti d’opposition du 15 septembre, et  des mois et des années à venir si on va assister à ‘’un changement de président dans la continuité’’.
Enfin et surtout, voter blanc le 15 septembre 2019  c’est dire au futur président des tunisiens qu’il se doit d’être fidèle -non aux partis, au lobbys ou aux amis mais  à la Tunisie du 14 janvier 2011.

Moncef Ben Slimane
Universitaire syndicaliste et citoyen

Le Président, les 400 larrons et la transition

 Par Moncef Ben Slimane (Universitaire et activiste) 

Décidément, le discours du Président K. Saïed le 31 mars 2020 devant le conseil de sécurité nationale, déroge encore une fois à la règle. On s’attendait à la rhétorique d’usage : appel à l’unité nationale et le « tout le monde il est beau ; tout le monde il est gentil » en situation d’épidémie. Ce ne fut pas le cas.

De son piédestal et pupitre il rappela, à son auditoire, que le peuple tunisien l’a plébiscité par les 2,7 millions de voix de ce dernier, le corollaire est queles représentants du pouvoir législatif et exécutif ne peuvent se targuer d’une telle légitimité.

Les gestes et la parole de K. Saïeddonnent l’impression que le président s’adresse à son opposition.  En effet, il apparaît clairement, jour après jour, qu’on a affaire à un président qui mérite bien d’être taxé d’anti-système. 

Deux passages du discours plaident en faveur de ce label K.

Primo :

-Le voile levé par le président sur le dossier des créances douteuses de plusieurs milliers de milliards en a surpris plus d’un. Le silence sur ce dossier semblait définitivement acquis. En outre, K. Saïed s’est permis de ne pas suivre l’exemple de son prédécesseur en insistant sur la stricte application de la loi à ces 400 personnes qui ne se sont pas acquittés de leurs dettes à l’égard de leur pays.

Ce passage du discours effaroucha l’UTICA. Il est vrai que l’organisation patronale n’est pas habituée à ce que le sommet de l’Etat vienne s’immiscer dans le SYSTEME et encore moins dans son bras (ou sa branche ?) financier. Le président lancerait-il des accusations en l’air ? Difficile à croire. Ce sont les bailleurs de fonds internationaux de la Tunisie, et non les anarchistes ou les altermondialistes qui ont estimé depuis des décennies que ce système bancaire était infecté par des créances douteuses et qui ont considéré les hommes d’affaires comme des débiteurs fraudeurs.
 
Tant mieux si l’UTICA a tourné la page d’avant 2011et a rompu ses liens avec certaines figures célèbres de la mafia financière de l’entourage de Ben Ali et sa belle-famille. Si le Président en appelle à la moralisation du milieu des affaires et des entrepreneurs, ceci ne devrait pas susciter de critiques mais des encouragements de la part des concernés.

Secundo : 

-Au cours de cette allocution, K.Saïed revient sur 2012 et sur sa proposition de dédouaner des hommes d’affaires fraudeurs sous forme d’initiatives locales. Proposition qui est restée sans lendemain. 

Ce n’est pas la seule fois que K. Saïed rappelle que le processus de 2011, qui est à l’origine du SYSTEME, ne l’engage en rien.Il ne faut pas oublier que le président de 2019 était en 2011 enseignant à la faculté des sciences juridiques de l’Ariana et qu’il était chargé de cours de droit constitutionnel.

Or on a beau examiner sous toutes ses faces la liste des juristes dont le nom figure dans la Commission Supérieure de la Réforme Politique, ou encore de la Haute Instance de laTransition Démocratique, des gouvernements et autres représentants de l’Etat, le nom du collègue universitaire juriste constitutionnaliste Kaïs Saïed n’y est nulle part.

C’est le décret de F. Mebazâa, qui a été promulgué en mars 2011, a posé les jalons du SYSTEME et a permis « la cooptation » des juristes officiels, architectes du système.Le juriste qui sera plébiscité par le peuple tunisien n’a pas eu les bonnes grâces des parrains de la transition.  Quoi de plus naturel alors que ce président rappelle aux partis, au gouvernement, à l’ARP et à toute la classe politique, au SYSTEME de la transition démocratique officielle, qu’il n’est en aucune façon responsable des choix juridico-politiques qu’il ne partage pas.

Tour à tour juriste, professeur ou président, K. Saïed n’épargne pas son auditoire et met constamment en exergue une ligne de démarcation entre ses prises de position et le système que la majorité des tunisiens ont rejeté en l’élisant.

A la lecture des lignes précédentes, certains trouveront mon proposdithyrambique. Comment ne pas avoir de sympathie pour un président qui vient bouger les lignes d’une transition démocratique officielle et artificielle ? Que reprocher à K. Saïed, qui n’a de cesse de rappeler aux ACTEURS du politique d’aujourd’hui qu’ils étaient hier les SPECTATEURS d’une révolution faite par d’autres ?
Enfinn’étant pas laudateur des dirigeants et des puissants par éducation, je terminerai cet article par trois critiques adressées au Président que j’apprécie tant.

Depuis les travaux de feu Salah Garmadi, un de nos plus illustres linguistes, l’arabe dialectal tunisien est érigé en langue vernaculaire du peuple tunisien historiquement, socialement et culturellement.

En second lieu, la visite inopinée d’Erdogan, le sultan d’Istanbul, aurait dû être une occasion pour le premier représentant des tunisiens pour lui signifier -poliment et diplomatiquement- qu’il foule le sol d’un pays où la démocratie et les libertés publiques et individuelles sont un sacerdoce.

Enfin, les envolées lyriques à propos de la Palestine plaisent mais n’aident en rien les Palestiniens. Et ce sont ces mêmes Palestiniens qui ont avec Fath, Arafat et l’OLP tourné la page de la tutelle des régimes arabes sur leur cause. Les soutenir, ce n’est donc ni parler en leur nom, ni se battre à leur place.

Monsieur le Président, le SYSTEME a le bras long. Vigilance et persévérance sont donc de mise.