dimanche 20 juin 2021

La réforme universitaire est mal partie ?

 Dans un précédent article sur ‘’la Méforme universitaire’’ (Leaders, Opinions, 21/12/2018) j’avais signalé que l’université tunisienne a perdu, depuis un moment, son aura.

Un simple observateur qui se met à l’écoute des différents acteurs de la scène universitaire nationale n’aura aucune difficulté à percevoir un malaise, pour ne pas dire, un désarroi. 
Il pourra, en effet, relever les réactions suivantes chez les principaux intéressés:

  • Les étudiants n’ont plus beaucoup de doute sur leur avenir professionnel et sur la valeur, ou l’utilité de leur diplôme ;
  • Les enseignants lancent un cri d’alarme face à la baisse du niveau et à la détérioration des conditions d’enseignement ;
  • Les responsables de département, laboratoires, facs ou instituts croulent sous les difficultés de gestion quotidienne de leurs services et personnel ;
  • Les ministres et autres conseillers, experts, ne brillent pas par leur capacité à dépasser les dysfonctionnements du secteur et parleur compétences à le reformer.

Pour ne pas tomber dans le discours catastrophiste et sans chercher à alimenter la sinistrose ambiante? gardons espoir et balisons le chemin vers une université tunisienne différente ou alternative.
Des questions s’imposent des lors à tous les acteurs de l’université : comment faire pour que l’université tunisienne se dote de moyens afin de relever les défis qu’elle affronte à l’échelle régionale, nationale et internationale ?Quelles axes de réflexion et quelles modalités de débat doit-on mobiliser pourque cette réforme soit digne des mots d’ordre du 14/01/2011, dignité, citoyenneté et liberté ?

D’abord et avant tout, engager un dialogue sur l’avenir de l’université, en ne craignant pas une démarche où l’auto-critique et la discussion franche et démocratique aideraient à un arbitrage serein et responsable entre les choix qui se présentent aux différentes parties prenantes.

Ce qui précède a pour corollaire que tout ministre qui choisit de se mettre dans des situations de tension (grèves, sit-in…) l’obligeant à gérer des rapports de force, ne peut piloter une réforme avec un esprit post 14/1.

De même, les syndicats se doivent d’être des forces de contestation mais, surtout, de proposition prenant en considérant les aspects aussi bien matériels que moraux.Autrement dit : tourner la page du syndicalisme archaïqued’assistance strictement corporatif.

En dernière analyse, toute réforme universitaire participe d’une ‘’idée’’ de l’université, du rôle qu’elle doit jouer par rapport à la société tunisienne qui connaît des bouleversements rapides et profonds depuis la révolution.

L’université nouvelle devrait nous aider à penser, à définir et à maîtriser notre insertion singulière dans l’environnement national, régional et mondial. Son crédo n’est pas de s’adapter aux contraintes extérieures pour reproduire passivement le modèle de l’université française ou américaine comme à fut le cas jusqu’à présent. Sans ambition il n’ayant que de l’imitation.
L’université se doit d’interagir avec son environnement en fonction des choix et des aspirations de notre société civile et, en particulier, de notre jeunesse, victime  d’une politique néo-libérale aux recettes désuètes prônées par les  gouvernements successifs.

La réforme universitaire a pour mission de nous préparer à forger une idée du tunisien -cette exception du monde arabe-en dotant les jeunes de connaissances   et compétences qui leur permettent de choisir, décider et construire le pays qu’ils ont débarrassé de la dictature et dont ils ont été dépossédés.

En rédigeant les dernières lignes de cet article, je prends connaissance du ‘’rapport de la Cour des Comptes 2016/2017’’ concernant le Ministère de l’enseignement supérieur à qui il reproche – en termes techniques et diplomatiques – d’avoir fermé l’œil sur la gestion délictueuse et mercantiliste des patrons de universités privées.
Il ne s’agit pas de petites irrégularités, mais d’une véritable stratégie consistant en : une hausse vertigineuse des frais de scolarité, l’absence de cadres enseignants qualifiés et de conseils scientifiques réguliers, l’absence de contrôle  des examens, l’homologation de diplômes contre l’avis de commissions scientifiques qualifiées, le dépassement des capacités officielles d’accueil…

Tout ceci prend place au vu et au su du Ministère de l’Enseignement supérieur qui est ; en principe, l’autorité habilitée à contrôler et sanctionner ces infractions.
Où va-t-on si la tutelle du service publie est spectatrice ? Pour quelles raisons ces ""privilèges" d'impunité dont bénéficie le secteur de l’enseignement privé ? Impensable et inacceptable.

On peut tout simplement conclure en termes politiquement corrects : La réforme universitaire est mal partie !

Moncef Ben Slimane
(Ex-SG. du Syndicat de l’Enseignement Supérieur)

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