A Quoi sert le langage ?
LES ENIGMES DU LANGAGE
Le langage sert-il à communiquer ? La question peut
paraître saugrenue : à quoi pourrait-il servir d’autre ? C’est
pourtant une question que les spécialistes des langues et de la communication
prennent au sérieux (1). Noam Chomsky, le linguiste le plus connu du XXè
siècle, n’a-t-il pas affirmé « Il
est faux de penser que l’usage du langage humain se caractérise par la volonté
ou le fait d’apporter de l’information. » ?
Pour les uns, le langage est d’abord un support pour la
pensée et non un instrument de communication. Son rôle serait en quelque sorte
de permettre à la pensée de se constituer, de se mettre en forme. Selon cette
hypothèse, le langage se conforme d’abord aux règles de la bonne communication.
Langage et pensée seraient en quelque sorte consubstantiels. La communication
ne serait qu’un dérivé de cet outil. Cette hypothèse suppose cependant que les
animaux, les personnes qui n’ont pas accès au langage (bébés, sourds-muets,
aphasiques) n’ont pas accès à la pensée... Cette question fait l’objet d’un
grand débat (2).
Pour les autres, le langage est avant tout un instrument de
communication et non un outil pour la pensée. Son rôle est d’abord d’informer,
d’influencer, de permettre une communication complexe.
Mais dès lors, comment comprendre que cet instrument soit
si imparfait, que les messages entre un locuteur et son récepteur soient si
souvent ambigus, imprécis, déformés ?
Pour tenter d’éclaircir ces questions et de juger de la
validité de ces hypothèses, il nous faut plonger dans les dédales d’un siècle
de recherches sur le langage et la communication humaine.
Les recherches des linguistes s’organisent autour de quatre
grandes questions concernant le langage. Quelle est sa nature ? Comment
évolue-t-il ? Possède-t-il une logique interne ? Comment fonctionne
la communication ?
La question de la
nature du langage humain suppose de mettre en évidence ce qui le distingue
nettement de la communication animale.
Une deuxième grande préoccupation des linguistes réside
dans le recueil, le classement et l’établissement de la généalogie des langues.
C’est là un travail long et passionnant auquel se sont consacrés la plupart des
spécialistes du XIXè siècle dont l’objectif a été de découvrir des lois
élémentaires de composition du langage.
Une réorientation des études récentes concerne les usages
concrets de la langue dans son contexte d’utilisation. D’où son intégration
dans les études liées aux mystères de la communication humaine.
II
NATURE, ORIGINE ET HISTOIRE DES LANGUES
Les animaux communiquent entre eux par des chants, des
cris, des gestes, des odeurs... mais ont-ils à proprement parler un
langage ? Quelles différences entre communication animale et langage
humain ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de faire un
détour par les formes de communication au sein du monde animal.
LA COMMUNICATION ANIMALE
Les études sur la communication animale ont débuté dans les
années 30 avec les célèbres découvertes de l’éthologue autrichien Karl von
Frisch (1886 - 1983) sur la danse des abeilles (1). Il réussit à démontrer que
les abeilles éclaireuses, revenues à la ruche, indiquent à leurs congénères où
se trouve de la nourriture en réalisant une « danse » particulière
dont la forme (en rond ou en zigzag) et la rapidité indiquent la distance et
l’axe d’orientation par rapport au soleil.
Ce système d’information, extraordinairement complexe,
suppose une forme de symbolisme : l’information (distance et orientation
par rapport à la ruche) est transmise au moyen d’un système codifié. Depuis
lors, les spécialistes ont découvert que les animaux sont capables d’une
communication très riche. Ils se sont alors attachés à décrypter aussi bien le
discours du pinson que les modes de communication du zèbre, de la grenouille ou
du chimpanzé.
LANGAGE HUMAIN ET LANGAGE ANIMAL
Le langage humain est un système bien plus élaboré que les
formes de communication présentes dans le monde animal.
Dans le meilleur des cas, les animaux peuvent transmettre
des messages simples, mais ils ne savent pas composer une poésie, raconter une
histoire, argumenter, émettre un avis nuancé sur le temps qu’il fait...
Pourquoi ? il y a au moins deux raisons à cela.
·
La double articulation du langage
La première raison est proprement
linguistique : la nature du langage humain permet une infinité de
variations inaccessibles aux codes de communication animale.
Le langage humain est fondé, selon le
linguiste français André Martinet, sur une « double articulation »
(1). Il est d’abord construit à partir d’unités de sens comme cours, maman,
arbre, bateau... Ce sont des morphèmes (2).
Ces unités de sens sont elles-mêmes formées
de segments phonétiques plus simples ( phonèmes) (le son pin est présent dans
sapin, lapin, pinson, etc.). Cette architecture à deux étages permet une
combinatoire très complexe et infiniment variée. C’est ce qui permet de
construire une grande variété de mots, puis de formules sophistiquées.
·
La créativité humaine
L’autre distinction entre la communication animale et le
langage humain est de nature intellectuelle. La maîtrise du langage élaboré
exige des capacités de symbolisation complexes dont ne disposent pas la plupart
des animaux (3).
Cela dit, cet orgueil proprement humain à vouloir se
distinguer du reste du genre animal doit être tempéré.
Pendant longtemps, les scientifiques ont admis que le
langage humain n’était qu’un fait de
culture, acquis par un long apprentissage. La communication animale serait,
elle, innée et stéréotypée. Aujourd’hui, on sait que la frontière entre les
deux formes de communication n’est pas aussi tranchée ni étanche.
LE MYSTERE DE BABEL, EVOLUTION ET VARIETE DES
LANGUES
Quand le langage humain est-il apparu? Vraisemblablement
entre 250 000 ans et 100 000 av. J. -C. Ce sont des évolutions anatomiques
importantes comme la formation du tractus vocal (Larynx, pharynx et cordes
vocales) qui l’ont rendu possible. Y a-t-il eu un seul foyer de création des
langues ou plusieurs ? C’est là une grande énigme historique. Il faut bien
admettre que l’on ne dispose pas de solides informations qui permettraient de
trancher en faveur des deux thèses théoriquement possibles : celle de
l’unicité de l’invention et celle de plusieurs inventions parallèles.
Il existe environ 3000 langues actuellement parlées dans le
monde (de 3000 à 4500 selon les auteurs et leurs définitions de la langue).
Malheureusement, beaucoup d’entre elles sont en voie de disparition , et
certains spécialistes estiment qu’au milieu du XXIè siècle il n’en restera plus
que 1000 ou 2000. Les langues disparaissent du fait de l’extinction des
populations traditionnelles, de leur acculturation, de l’alphabétisation et de
l’essor des langues dominantes. Parmi ces langues, beaucoup n’ont même pas été
décrites et recueillies comme fonds documentaire de l’humanité. « Sur douze à quinze cents langues africaines,
une centaine seulement sont décrites par des documents de base (une grammaire,
un dictionnaire, un recueil de texte). Sur les deux cent cinquante langues
tibéto-birmanes, seule une dizaine ont pu être ainsi étudiées. La diversité des
langues s’atténue. » (1).
La langue la plus parlée est actuellement le chinois (du
fait même de l’importance de la population chinoise) mais la plus répandue,
celle qui est en passe de devenir la langue de communication internationale, est
sans conteste l’anglais.
III LE LANGAGE ET SON FONCTIONNEMENT
On a vu que F. SAUSSURE
a sorti la linguistique des méandres de l’approche descriptive et
historique des langues pour rechercher une « algèbre du langage »,
les règles de fonctionnement de la langue.
Il définit donc la langue comme un système de signes et le
signe linguistique comme une entité à deux faces : la signifiant et le
signifié.
III.1
SIGNE, SIGNIFIANT, SIGNIFIE :
·
Le
signe est le représentant d’autre chose qu’il évoque à titre de substitut. Les
mots, les sons, les couleurs, les images qui nous environnent sans autant de
signes dont le sens émerge d’un système d’interprétations. Notons que les
signes ne se réduisent pas aux signes linguistiques mais englobent aussi les
signes visuels ou sonores.
·
Les
signes sont de nature dichotomique, ils sont formés de deux éléments :
l’un sensible (signifiant) et l’autre non sensible (signifié).
Saussure nous explique que « nous appelons signe la combinaison du concept
et de l’image acoustique » et nous propose de remplacer ces deux termes,
respectivement, par signifié et signifiant. Ces deux derniers liés
solidairement dans le code.
REMARQUE
Le signe linguistique est un signifiant qui renvoie au
concept, son signifié, mais ce concept est à son tour un signe, le signifiant
abstrait dont le signifié (ou le référent) est fourni par les objets
singuliers.
Ainsi décrit, le signe (linguistique, en particulier) est
décrit comme pourvu de deux propriétés, les principes du signe.
n 1èr Principe : l’arbitraire du signe.
Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire.
Ainsi l’idée de sœur n’est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de
sons S-ö-r.
La preuve : les signifiants sont différents d’une
langue à une autre pour un même signifié (sister).
Critique :
En réalité, les deux aspects de l’arbitraire du signe sont
intimement liés. On peut désigner une sœur par un certain nombre de mots (être
humain, femelle, amie, parente, compagne de jeu, etc.) mais pas par tous
les mots : arbre, tableau, bœuf. Le signifié renvoie nécessairement à
un référent, ce à quoi le signe réfère dans le discours (une classe d’objets
singuliers).
En outre, le signifié du signe français sœur ne se confond
pas totalement avec celui du signe anglais
sister : on peut dire en français, « Et ta sœur ! »
ou « âme sœur », ce qui est
impossible, en anglais , avec le mot sister.
- Second principe : Le caractère linéaire
du signifiant
- Le signifiant du signe linguistique, étant de
nature auditive, il se déroule donc dans le temps et représente une
étendue ; Cette étendue est mesurable dans une seule dimension :
c’est une ligne.
Saussure parle de « caractère linéaire de la
langue » pour la distinguer des systèmes de signes visuels qui peuvent
offrir de combinaisons simultanées sur plusieurs dimensions (peinture,
archi...).
IV. LES PRINCIPAUX COURANTS DE LA
LINGUISTIQUE MODERNE :
1. Les
fonctions du langage selon Roman JOKOBSON
·
Les fonctions du langage selon Roman JAKOBSON
R. JAKOBSON (1896-1982), un des créateurs de la phonologie,
était un véritable globe-trotter de la linguistique. Né à Moscou, il participa
au Cercle linguistique créé dans sa ville natale, puis il fut un des créateurs
du Cercle de Prague (fondé en 1928), puis de celui de Copenhague dans les
années 30, avant d’émigrer aux Etats-Unis, à New York. Ses domaines d’intérêt
étaient multiples : l’anthropologie, le folklore, la psychanalyse, la
théorie de l’information. Cet éclectisme
intellectuel doublé d’une forte personnalité anticonformiste l’a conduit
à proposer nombre d’hypothèses et de modèles très stimulants, mais pas toujours
parfaitement rigoureux.
Dans son Essai de
linguistique générale (1963), R.Jakobson a proposé de distinguer six
fonctions du langage :
n La fonction
« référentielle » consiste à délivrer une information ;
n La fonction « phatique », ou
« de contact », vise simplement à établir ou à maintenir un contact,
comme lorsque l’on dit « Allô ! »
au téléphone ;
n La fonction « poétique » est
à la recherche de l’esthétique, comme dans les effets de style, la
poésie ;
n La fonction « conative », ou
« appellative », vise à agir sur le destinataire, par exemple en
donnant un ordre ;
n La fonction
« métalinguistique » consiste à réguler son propre discours (« je veux dire que », « tu
comprends ? », etc.).
2. La
Grammaire générative de N. CHOMSKY
Les linguistiques fonctionnalistes ont dominé la scène
linguistique des années 20 aux années 50. Ils concevaient la langue, ainsi
qu’on vient de le voir, comme une sorte de machinerie , avec ses pièces,
ses fonctions, son armature... Dans les années suivantes, les recherches vont
se déployer dans une perspective voisine. Il s’agit de découvrir une sorte de
« programme universel », à l’image d’un logiciel d’ordinateur ou du
programme génétique de la cellule, qui permettrait de produire la diversité des
paroles à partir de quelques règles simples. Tel est le projet des
« grammaires génératives » dont le linguiste américain Noam Chomsky
sur la figure la plus marquante et qui se
présente comme la recherche d’un système formel du langage, d’une grammaire
universelle d’où dériveraient toutes les langues et leurs énoncés possibles.
Né à Philadelphie en 1928 de parents émigrés russes, N.
Chomsky a fait ses études de linguistique à Harvard, et c’est à quelques pas de
là, au MIT (Massachusetts Institute of Technology), qu’il fera toute sa
carrière de linguistique doublée d’un activisme intellectuel assez radical en
faveur de positions anti-impérialistes ou antinucléaires. La grammaire
générative de N. Chomsky se présente comme la recherche d’un système formel du
langage, d’une grammaire universelle d’où dériveraient toutes les langues et
leurs énoncés possibles.
3. John
Austin et la pragmatique
Si la langue est bien une construction ordonnée, si elle
possède ses règles et ses structures, elle n’est pourtant pas totalement
réductible à une belle architecture logique. Le projet des linguistes
formalistes - celui de découvrir un ordre élémentaire du langage qui aurait
permis de reconstruire toutes les langues et leurs énoncés à partir d’une
armature logique simple - s’est pour l’instant soldé par un échec.
Mais cet échec (provisoire ?) n’est-il pas porteur de
significations ? Si les linguistes ne peuvent pas décomposer les langues
humaines en atomes et en molécules de sens comme le font les chimistes pour la
matière, cela est peut-être dû au fait que la langue ne peut pas reposer
uniquement sur une architecture abstraite.
Le fonctionnement de la langue peut-il être isolé de son
contexte d’utilisation, de son inscription dans le monde social, de son
insertion dans les interactions humaines ?
Toute l’orientation des recherches au cours des deux
dernières décennies à consisté justement à réintégrer le langage dans le
processus général de communication. Telle sont les directions prises par de
nouveaux courants de recherche : la pragmatique, l’analyse de conversation
ou la sociolinguistique.
LA PRAGMATIQUE : LE POUVOIR D’AGIR AVEC
DES MOTS
Le
philosophe anglais John L. Austin (1911 - 1960) est la principale figure de la
pragmatique. C’est une discipline qui envisage le langage en tant qu’outil pour
agir sur le monde et non pas seulement comme un outil pour exprimer des pensés
ou pour transmettre des informations. Agir sur le monde ? Austin parle
d’ « actes de langage » pour
désigner des énoncés en tant qu’ils permettent d’agir sur soi, sur les autres,
sur les événements (1).
·
Austin et les actes de langage
Alors que l’énonciation « je suis en forme » n’a qu’une
fonction d’expression et d’information, la phrase « Rends-moi mon stylo ! » a pour but de provoquer un
comportement chez autrui. Parfois, la volonté d’agir sur autrui s’effectue sous
une forme voilée, cachée derrière un simple constat. Ainsi la phrase « Il
est tard, n’est-ce pas ? » qui, dans son sens premier, n’est qu’un
constat neutre (Austin parle d’« énonciation
constative »), contient en fait, dite dans un certain contexte, un
autre message. Si la phrase est prononcée par une épouse à son mari au cours
d’une soirée, elle signifie implicitement « je
suis fatiguée, rentrons »,. L’énoncé prend donc un effet
« performatif » (de l’anglais to
perform qui signifie « faire, accomplir »).
4. Le courant
sociolinguistique
Dominé par la figure de W. Labov,
s’intéresse surtout à l’inscription culturelle et sociale du langage. Ses
sujets de prédilection sont les variations syntactiques et lexicales selon les
groupes sociaux (sociolectes), les règles sociales du dialogue et les
situations de contact entre les langues.
Enfin, à partir des années 60, s’est
développé aux Etats-Unis un courant dit de l’analyse conversationnelle, pratiqué au départ par les éthnométhodologues
comme E. Goffman. Son postulat de base est que la communication verbale est un
processus interactif : tout discours (plus ou moins inscrit dans un
dialogue) est le résultat d’une construction à deux, Séquençage des dialogues,
tour de parole, reprise, reformulation, accord ou désaccord des partenaires
sont les éléments sur lesquels porte l’analyse conversationnelle. Au départ
discipline purement empirique, cette approche, en empruntant à la pragmatique
et à l’énonciation une partie de leurs outils, s’est structurée en une
linguistique interactive, qui s’intéresse aujourd’hui à de nombreuses
situations de communication (interview, débat politique télévisé, etc.).
Ces nouvelles sciences du langage ne font
pas que s’ajouter à la linguistique du système de la langue. Elles remettent en
cause les représentations formalistes, voire rationalistes, du langage.
LA COMMUNICATION
1) LA
COMMUNICATION EST COMPLEXE
Qu’et ce que
communiquer ?
La réponse à cette question semble, pour la
plupart d’entre nous, évidente. Communiquer serait l’acte le plus simple et le
plus banal qui soit selon un modèle institutionnalisé, la communication est la
transmission d’une information d’un émetteur A à un récepteur B par le biais
d’un canal C. Cela s’applique à des contextes très divers : raconter, lire
les informations, téléphoner, débattre, regarder la télévision, etc.
A partir du moment où le message est clair,
le récepteur attentif, et qu’il n’y ait pas de perturbations dans le canal de
transmission, le message devrait bien passer.
Or, cinquante ans de recherches sur la
communication nous ont appris tout le contraire :
a)
Les
messages que nous envoyons sont rarement clairs et précis mais comportent
toujours une pluralité de significations ;
b) Le récepteur est rarement un sujet passif qui se contente
d’enregistrer les données transmises : il les filtre, les sélectionne, les
transforme. Le canal et le contexte de la communication interviennent à leur
tour sur le contenu du message ;
c)
On
découvre que communiquer n’est pas seulement informer, c’est aussi chercher à
influencer autrui, à se mettre en scène, à séduire ou à se défendre. Bref, la
communication est rarement
transparente... C’est un acte complexe, élaboré et fragile dont il
importe de dévoiler la face cachée si l’on veut mieux en comprendre et en
maîtriser les processus ou le fonctionnement
2) LE MESSAGE EST
EQUIVOQUE
Pour plusieurs théoriciens, il s’est agi,
durant de nombreuses années, de proposer de formaliser le processus de
transmission des messages, la communication. Des tentatives ont été souvent
faites pour construire un modèle mathématique de la communication humaine.
Cette approche a vite connu ses propres
limites à partir du moment où on comprit qu’un message contient plusieurs
niveaux de signification.
Toute communication comporte toujours une
« métacommunication » ; exprimée par le bon employé, (ex : « Mais c’est
fini de crier dans cette maison ») les expressions et les attitudes qui
viennent se greffer sur le contenu premier du message. La forme prise par le
message constitue en elle-même un message (« le chevalet »...).
La pluralité des significations d’un message
peut provenir aussi de la polysémie des signes utilisés. Chaque mot,
chaque phrase, chaque image renvoie, par un jeu de résonances, à des
signification multiples et souvent cachées.
La communication publicitaire use
abondamment de ces significations multiples pour associer à une marque une
« image » particulière, faite de multiples références implicites.
L’ambiguïté des significations émises dans
un message a été également mise en évidence par l’analyse de conversation.
Le canal de transmission possède aussi sa
propre logique et contribue à donner au message une force ou une coloration
particulière. Marshall Mac luhan (1911
- 1980), auteur de « la Galaxie Gutemberg » a eu, à ce propos, une
formule célèbre : « le médium est le message » voulant montrer
combien le support du message - parole, écrits, images - pourrait agir
directement sur le message lui-même. Il existerait, selon MAC LUHAN, des médias
« chauds » et « froids ». Les vus, comme la presse, la
radio, sont peu interactifs et délivrent un message achevé et complet laissant
peu de place à l’interaction ; les autres (la parole, le téléphone) livrent
des messages diffus, incomplets, mais qui laissent place à l’interaction.
Il y ’a une très forte tradition de
recherches sur cette question de l’impact relatif des différents types de
médias. Ainsi, dès les années 40, des chercheurs américains, dont le
psychosociologue KURT LEWIN, avaient montré au cours d’une expérimentation que
le fait de participer à des groupes de discussion autour d’un thème (en
l’occurrence des conseils sur l’alimentation délivrés à des mères de famille)
avait beaucoup plus d’impact sur les participants que le fait d’assister à des
conférences sur le même sujet.
Les liens de proximité et la participation
active de personnes avaient donc plus de force pour faire passer un message
qu’une communication institutionnelle et médiatique.
3) LE RECEPTEUR
N’EST JAMAIS PASSIF :
Du côté du récepteur - qu’il soit auditeur,
lecteur ou spectateur -, il existe aussi
plusieurs facteurs de « brouillage » (parasite) de la communication.
Celui qui reçoit une information n’est pas un réceptacle passif qui se
contenterait d’enregistrer et de digérer les informations reçues. Le
destinataire est toujours un sujet qui analyse, filtre, décode, interprète.
Dans le domaine de la communication, de
nombreux « filtres » interviennent dans la sélection d’un message. Les
informations transmises seront d’autant mieux reçues, écoutées, comprises,
mémorisées, qu’elles touchent un centre d’intérêt de l’auditeur et qu’elles ne
sont pas trop éloignées de sa culture et de ses références courantes.
Les autres filtres de l’information sont les
suivants :
n
La
« surcharge cognitive » : nous ne somme capables de retenir
qu’une somme d’informations limitée à la fois ; (la concentration pendant
un cours).
n
Le
« knowledge gap » ou la distance entre le récepteur, son niveau de
culture, et le niveau requis pour recevoir l’information.
n
La
« Dissonance cognitive » est cette attitude courante qui
consiste à éliminer ou à minimiser les informations qui contredisent trop
fortement nos systèmes de croyances habituels.
Le processus de filtrage de l’information a
permis de révéler, contre toute attente, que les grands médias sont loin
d’avoir l’impact qu’on leur attribue souvent.
Le modèle « hypodermique » de
l’impact des médias (l’image d’un auditeur passif à qui on inculque un message
comme on injecte un produit avec une seringue ) s’est révélé inopérant (échec
de campagnes électorales et publicitaires...) et il va être remplacé par le
« two steps model » proposé par Katz et Lazarzfeld, selon lequel le
récepteur filtre les informations en fonction de ses opinions préalables,
elles-mêmes structurées par son milieu d’appartenance.
LES ENJEUX
IMPLICITES DE LA COMMUNICATION :
Un autre facteur constitue à rendre encore
plus complexe le processus de communication : la multiplicité des enjeux
implicites. Communiquer, ce n’est pas simplement transmettre de l’information.
Le psychosociologue ALEX MUCHIELLI(« Psychologie de la
communication », PUF, 1995) a, par exemple, repéré cinq « enjeux de
la communications » : l’enjeu informatif ; l’enjeu de
positionnement consistant à définir son identité par rapport à autrui ;
l’enjeu de mobilisation visant à influencer autrui ; l’enjeu
relationnel ; l’enjeu normatif centré sur la régulation des relations
elles-mêmes.
B. L’IMAGE
Introduction
Que notre époque soit marquée par l’invasion
de l’image, c’est une opinion largement partagée parmi nos contemporains.
Suite à cette constatation, nous sommes
amènes-nous, les consommateurs d’images - à nous interroger sur le poids et la
menace qu’elles représentent pour notre destinée, notre quotidien et notre
avenir.
Comprendre donc la manière dont l’image
communique et transmet des messages serait un réflexe légitime, une attitude
intellectuelle d’autant plus nécessaires que la virtualité des images nous
cache, donc manipule, de plus en plus notre réalité.
En fait, notre situation présente est
paradoxale : d’un côté, nous recevons les
images d’une manière qui nous semble tout à fait
« naturelle », « normale », qui ne demande apparemment
aucun apprentissage et, d’autre part, il nous semble que nous subissions le
savoir-faire de quelques experts qui peuvent nous manipuler en nous submergeant
d’images codées se jouant de notre naïveté.
L’un et l’autre de ces sentiments se justifient,
puisque l’analyse de l’image nous permet d’apercevoir que tout lecture
« naturelle » de l’image se fait à partir d’un code culturel et
social intériorisé que nous avons en commun avec le message visuel que nous
recevons. Message et image n’excluent
pas un travail de montage, une fabrication du « sens » à communiquer,
donc une manipulation de signes.
USAGES ET SIGNIFICATIONS DE L’IMAGE
Le terme image possède aujourd’hui une telle
diversité d’emplois, qu’il est presque impossible de trouver une définition qui
les recouvre tous. On peut construire une définition qui ressemble à un puzzle
au sein de laquelle vont s’additionner les usages et les significations dont
l’image est l’objet.
On va commencer par reprendre ce que le
« sens commun » entend par image pour dire que ce terme englobe
toutes les représentations qui offrent un rapport d’analogie, avec les modèles
du monde visible. Et à propos de cette idée de Représentation, Platon
précise : « j’appelle images d’abord les ombres ensuite les reflets
qu’on voit dans les eaux, ou à la surface des corps opaques, polis et brillants
et toutes les représentations de ce genre » . On remarque donc que l’image serait un objet second par
rapport à un autre qu’elle représenterait selon certaines lois particulières.
Le sens connu, toujours, emploie le terme
image dans des expressions comme « Dieu créa l’homme à son image ».
Ce terme d’image, fondateur ici, n’évoque pas une représentation visuelle
(comme dans les cas de la Télévision ou de la photo) mais une ressemblance.
L’homme image d’une perfection absolue.
Dans notre enfance, ou nous a aussi appris
qu’il faut être « sage comme une image ». L ‘image, alors, c’est
précisément ce qui ne bouge pas, ce qui reste en place, qui ne parle pas.
On remarque donc que nous avons appris à
associer au terme « image » des notions complexes et contradictoires
(images fixes # images animées) qui sont
le reflet, et le résultat aussi, de toute notre histoire.
Des temps les plus anciens du paléolithique
à l’époque moderne les images ont véhiculé, les messages d’hommes contraints de
communiquer. Ces dernières imitent, en les schématisant visuellement, les
personnes et les objets du monde réel. On pense que ces premières images
pourraient avoir aussi des relations avec la magie et la religion.
Les représentations religieuses sont
massivement présentes dans toute l’histoire de l’art occidental. En outre, la
notion d’image, ainsi que son statut, représentent un problème clé de la
question religieuse. Une religion monothéiste se devait, comme l’islam, de
combattre les images, c’est à dire les autres dieux.
Dans le domaine de l’art, la notion d’image
se rattache essentiellement à la représentation visuelle : fresques,
peintures, enluminures, illustrations décoratives, dessin, gravure, films, vidéo,
photographie...
On emploie encore le terme d’image pour
parler de certaines activités psychiques telles que les représentations
mentales, la rêve, le langage par image. Lorsqu’on parle d’ « image de
soi » ou d’ « image de marque », on fait encore allusion à des
opérations mentales, individuelles ou collectives qui insistent plus sur
l’aspect identitaire de la représentation que sur son aspect visuel ou
ressemblant.
Outil de communication, divinité, œuvre
d’art, image mentale, l’image ressemble ou se confond avec ce qu’elle
représente. Elle véhicule avec elle un fonds historique et culturel qui nous
invite à l’approcher d’une manière approfondie.
Les différents utilisations du mot
« image » nous renseigne sur les différentes formes et les sens
multiples qu’on lui connaît. Il semble d’ailleurs que l’image puise être tout
et son contraire : visuelle et immatérielle, fabriquée et naturelle,
réelle et virtuelle, mobile et immobile, sacrée et profane, antique et
contemporaine...
Pour mieux comprendre les images, leur
spécificité ainsi que les messages qu’elles véhiculent, l’effort d’analyse
s’impose.
La théorie sémiotique tente justement
d’aborder l’image sous l’angle de la signification et non pas sous celui de
l’émotion ou du plaisir esthétique, par exemple. Elle essaie de voir de quelle
nature est le signe image et de mettre à
jour ses lois propres d’organisation et ses processus de significations.
LA SEMIOTIQUE VISUELLE
Le travail de Charles Sanders Peirce
(« Ecrits sur le signe » Seuil 1978) est à cet égard précieux, car il
a essayé de penser dès le départ une théorie générale des signes et une
typologie qui comprend la langue, bien entendu, mais insérée et relativisée
dans une perspective plus large.
Sous l’impulsion de cette ouverture de la
sémiotique à d’autres champs d’application, une pluralité de spécialités
définies par leur objet et par leurs méthodes ont vu le jour, à partir des
années soixante.
·
La
sémiotique des médias : Elle s’intéresse aux messages visuels, écrits ou
sonores. La publicité, l’affiche politique, les jeux télévisés, les reportages,
constituent ses entres d’intérêt, (Jean-Marie Floch, « Sémiotique,
marketing et communication » ; les travaux de R. Barthes).
·
La
sémiotique des spectacles (cinéma, théâtre, opéra, stambelli...) c’est un
domaine à part entière, fondé sur l’analyse de messages
« plurivoques » : image, mouvement, parole, musique. (Christian
Metz, « Langage et cinéma », 1992).
·
La
sémiotique du geste traite de tous les codes corporels, qu’ils soient naturels,
expressions, postures ; ou artificiels : langage des sourds-muets
(Edward T. Hall « la dimension cachée », 1971).
·
Enfin
la sémiotique visuelle : elle s’applique à l’image en général. Les études
sur la peinture s’intéressent particulièrement au signe plastique. L’analyse du
dessin, de la bande dessinée, de la photographie, plus souvent au signe
iconique.
Erwin Panofsky (1892-1968) historien et
philosophe de l’art a développé une « iconologie » rigoureuse, fondée
sur l’analyse des images peintes en motifs, thèmes et contenus de
signification. Sans s’inscrire directement dans le courant de la sémiotique, il
a instauré l’analyse de l’image comme discipline (E. Panofsky, « L’oeuvre
d’art et ses significations », 1955)
Le PASSAGE DE LA
PERCEPTION AU SENS DU MESSAGE VISUEL
|
Schéma
LES DIFFERENTS
TYPES DE SIGNES :
Rappelons d’abord que la linguistique
considère comme arbitraires les signes dont la forme prise par le stimulus est
indépendante de celle du référent.
En revanche, on appelle
« motivés » tous les signes dont la forme entretient un rapport un
tant soit peu nécessaire avec le référent. Ainsi les images qui sont fondés sur
un rapport de ressemblance entre l’expression et le contenu sont considérés
comme motivés. La combinaison de ces deux critères permet de répertorier quatre
grandes familles de signes qui couvrent l’ensemble des objets de la
sémiotique :
·
Les
indices : sont des signes causalement motivés (trace d’une main sur la
joue, rond humide du verre sur la table, le symptôme d’une maladie...)
·
Les
icônes sont des signes motivés par ressemblance : l’image renvoyée par le
miroir, la carte géographique, la maquette d’avion, l’imitation d’un cri
d’animal... Comme le montre le dernier exemple, les icônes ne sont pas
nécessairement des images, contrairement à ce que le mot suggère.
·
Les
symboles sont des signes associant arbitrairement un signifiant et une
abstraction. Ex : le vert pour « protection de
l’environnement », la balance pour la « justice ».
·
Les
signes au sens strict sont ceux qui composent les codes les plus sophistiqués.
Ce sont les signes linguistiques,
les numéros de téléphone, les symboles
chimiques etc.
Les icônes et les signes obéissent à un
découpage non correspondant, c’est à dire qu’on peut les décomposer en unités
non signifiantes et les réutiliser pour la production d’autres signes.
Ex : On peut prendre une couleur dans une carte géographique (icône) et la
réutiliser pour en faire une autre image.
Par contre les symboles sont
indécomposables, en ce sens que leurs éléments ne sont pas systématiquement
réutilisable, à moins d’être eux-mêmes des symboles.
|
Motivé |
Arbitraire |
Découpage correspondant |
Indices |
Symboles |
Découpage non correspondant |
Icônes |
Signes au sens strict |
Notre liste serait incomplète si on
n’évoquait pas quelques genres supplémentaires de signes, qui sont en fait des
espèces particulières se rattachant à ces quatre familles. Par exemple, on
parle souvent, depuis Peirce, des « index » : ce sont des signes
qui ont pour fonction d’attirer l’attention sur un objet déterminé. Ex :
le doit pointé vers un objet, les titres des livres et des tableaux, les
inscriptions sur les magasins, les étiquettes sur les produits. Ce sont, on le
voit, des signes arbitraires dont l’usager doit avoir appris les règles de
lecture.
Il y a aussi les signes dits
« ostensifs » qui ont également pour fonction de montrer, mais d’une
autre manière. Ce sont, classiquement, les échantillons : morceaux de
papiers peints, brins de laines, objets placés à l’étalage d’un magasin. Ces
signes ostensifs sont motivés par la ressemblance, et sont donc des sortes
d’icônes.
L’IMAGE
ET SES SIGNES
L’ambition de la sémiotique visuelle est
d’apporter à la lecture des images la même rigueur que celle que la sémiotique
textuelle a pu développer à propos du discours littéraire, politique ou autre.
Mais il faut reconnaître que l’image, lorsqu’elle n’est pas accompagnée de
mots, ne se it pas comme un texte. Ce que nous reconnaissons en elle
n’appartient pas, à priori, à un code appris. Nous pouvons donc nous poser la
question suivante : Comment sommes-nous parvenus à reconnaître qu’il y
avait quelque chose dans une image sans nous tromper trop souvent ?
Les signes qui spécifiquement servent à
produire des images sont deux sortes : les signes plastiques et les signes
iconiques.
·
Les
signes plastiques sont ceux que l’on peut reconnaître lorsque l’on s’intéresse
à la couleur, à la texture et à la forme d’une image. Ce ne sont des signes que
dans la mesure où ils renvoient à un
signifié. A cet égard, on peut les rapprocher de deux familles de signes déjà
citées : le symbole et l’indice. Une couleur peut renvoyer à un concept ou
à une émotion, un graphique peut traduire le geste particulier du peintre. La
sémantique plastique étant particulièrement plurivoque, et les signifiés peu
définis, la lecture de ces signes relève d’une interprétation très ouverte.
·
Les
signes iconiques sont fondés, comme on le sait, sur une relation de
ressemblance entre le signifiant et le signifié. Ils sont plus
contraignants : ce que nous reconnaissons dans un dessin, par exemple,
semble aller de soi. Si c’est un chat, ce n’est pas un chien. La figure
« ressemble » à l’objet (chat et non chien). Pourtant l’objet du
dessin (chat) n’est pas du tout identique à l’objet (l’animal). Cette relation
est mystérieuse elle semble naturelle, mais elle ne l’est pas tant que cela.
Les rapports qui président au signe iconique posent des problèmes particuliers.
La structure du signe iconique comporte,
comme celle de tous signe, quatre éléments : stimulus, signifiant, type,
référent. La raison de substituer le
« type » au « signifié »
habituel vient, pour une part, de ce que le signifié d’un icône ne fait
pas appel au mêmes savoirs que celui du signe linguistique.
L’identification d’une image fait en premier
lieu appel aux données encyclopédiques : on conçoit le chat au fait qu’il
a des oreilles pointues, une queue, des moustaches... Le « type » a
une fonction particulière, que l’on comprendra si l’on considère la structure
du signe iconique.
Le stimulus, c’est à dire le support
matériel du signe (taches, traits, courbes...) entretient avec le réfèrent (la
classe des animaux qu’on appelle les chats) une relation de
transformation : le chat dessiné n’est pas du tout identique à l’animal
chat. Mais je reconnais un chat parce que le stimulus est conforme à un type (
un ensemble d’attributs visuels : queue, moustaches, corps souple,
oreilles pointus...) qui lui-même est conforme à ce que je sais de l’animal
chat (le référent).
On peut donc dire que pour un signe iconique, le processus de
signification est essentiellement assuré par le fait que le stimulus (le
dessin) et le référent (la chose représentée) entretiennent des rapports de
conformité avec un même « type », qui rend compter des
transformations qui sont intervenus entre le stimulus et le référent.
Un des problèmes du signe iconique est en
effet qu’il procède par transformation du réel visuel : Quelles sont les
règles de transformation ?, où les transformations doivent-elles s’arrêter
pour être conformes à un signifié ? A quel moment passe-t-on d’un référent
à un autre ?
Le premier principe à retenir quand on parle
d’image est son hétérogénéité. C’est à dire qu’une image rassemble, au sein
d’une même limite ( un cadre), différentes catégories de signes :
iconiques, plastiques et linguistiques. C’est la relation entre ces derniers
qui produit du sens.
En second lieu, il faut noter que toutes
significations du mot « image » signalées précédemment, corroborent
le fait que l’image c’est d’abord quelque chose qui ressemble à quelque
chose d’autre.
La première conséquence de cette observation
est de constater que ce dénominateur commun de la ressemblance, pose d’emblée
l’image dans la catégorie des représentations. Si elle ressemble, c’est qu’elle
n’est pas la chose même.
L’image a donc un statut de signe analogique
qui se déplace sur un axe aux extrémités duquel on trouve, d’un côté, la
confusion entre image et représenté (degré maximum de ressemblance) et, de
l’autre côté, l’illisibilité (une ressemblance infime).
LES
CODES DE RESSEMBLANCE
·
Les degrés de ressemblance
La technique la représentation analogique
évoque les objets du monde visible par similitude apparente : de
structure, de couleur, d’échelle, de texture... Nous pouvons constater une plus
ou moins grande ressemblance avec le réel en passant de la photo, à la
peinture, au dessin caricatural, et au schéma.
Toutes les images sont des signes visuels iconique
mais leur degré d’icônicité se fonde sur un rapport différent avec la
réalité.
·
a) La ligne, la forme : L’exemple du
poisson :
Comment reconnaissons-nous dans ce
dessin un poisson ?
Il reproduit une forme commune à tous les
poissons, mais il n’en conserve que les traits minimuns de reconnaissance. Les
éléments du dessin sont des signes graphiques, composé du point,
unité minimale d’expression, et de la ligne, ensemble de points, qui
constituent cette forme motivée (motif) spécifique au type poisson.
Cette forme peut renvoyer dans un référent
ou un répertoire à plusieurs poissons :
requins, daurades... dont les
détails caractéristiques ne sont pas indiqués dans le dessin. Nous sommes donc
à un degré extrême de schématisation qui autorise cependant la reconnaissance.
La ligne - contour, qui cerne la silhouette du poisson, délimite une
frontière noire dans l’espace indifférencié du fond, le support blanc. La ligne
- contour est un cas particulier de forme parmi ce que le champ de la
perception offre d’unités visuelles se combinant et s’articulant entre elles,
prenant leur valeur les unes par rapport aux autre et par rapport au fond.
·
Le schéma :
² &dessiner la fig.
Comment se fait le passage de la silhouette au
symbole ?
n
La
technique du silhouettage : la ligne décalque le contour suivant les
règles du fond et de la forme.
n
La
schématisation réduit le modèle à sa structure en le stylisant. La figure ne
représente plus que les parties caractéristiques du motif humain : tête,
tronc, membres, ramenés à des formes géométriques simples telles que cercle et
segments de droite, en imitant leurs rapports spatial et fonctionnel : axe
vertical (tronc), angles d’articulation (bras/tronc), proportions relatives des
éléments entre eux (longueur bras/jambes/tronc).
La schématisation ramène les objets et les
corps à des formes géométriques élémentaires et permet de représenter la structure
et les rapports logiques.
·
Fonction indicative de la ligne
Le signe iconique dans les exemples
précédents prend en charge des aspects variables accessibles à la
perception : position, mouvement, action, sentiments...
A l’expressivité proprement graphique
s’associent des significations codées par la culture, d’ordre moral,
philosophique, esthétique... constituées en de véritables modèles symboliques.
Ainsi, la verticalité suggère l’élévation, la force, la spiritualité, la
droiture morale, l’autorité . L’horizontalité suggère la matière, la
pesanteur, la finitude terrestre...
Exemples :
Les associations sont infinies et le sens
s’organise en fonction des combinaisons et oppositions de l’expressivité
graphique.
Le graphiste, qu’il soit dessinateur,
graveur, calligraphe, invente pour la ligne son propre mode d’expression :
le trait, élément fondamental, est à proprement parler le traitement
singulier de la ligne : épaisseur, force, intensité, densité, et toutes
ses combinaisons constituent un champ de création et d’expression qui
appartient à l’art et à son histoire.
b) La couleur :
L’analogie avec le réel passe aussi par la
technique de la couleur qui tend à reproduire notre perception colorée du monde
visible.
Notre rapport à la couleur est culturel et
les couleurs ont une histoire (l’ocre et le noir charbon des peintures
pariétales, le pourpre des Romains, le vert des musulmans...).
La couleur, au delà des jugements de valeur
qu’elle suscite, fait partie intégrante du rapport que l’homme entretient avec
le monde matériel et spirituel. Pour cette raison, elle a été l’objet d’analyse
et de théories qui ont tenté d’attribuer une spécificité au phénomène et au
sens des couleurs.
·
Couleur et perception des couleurs
La couleur et la lumière sont
indissociablement liées : chaque corps nous apparaît coloré parce qu’il
absorbe toutes les couleurs de la lumière blanche et ne réfléchit que celle qui
lui correspond. La lumière révèle donc les couleurs.
·
Spatialité :
Un autre des effets propres à la couleur est
sa spatialisation. Sur un fond noir, le jaune semble venir en avant alors que
le violet paraît y flotter. Sur un fond blanc, l’effet de profondeur des mêmes
couleurs est inversé. Les qualités de clarté, obscurité, froideur, chaleur, et
la quantité de couleurs produisent des effets de profondeur divers, ceci
indépendamment des effets de perspective, illusionnistes dus à la construction
dessinée d’une composition.
·
Valeur symbolique et expressive de la
couleur :
Si, comme la ligne, la couleur prend sa signification par
analogie : - Rouge = sang, feu, matière en fusion -, elle possède aussi
une valeur expressive et une symbolique acquises tout au long de histoire,
faites de choix esthétiques, politiques, économiques...
L’ANALYSE DE
L’IMAGE :
Analyser l’image n’a pas été une attitude ou une posture
intellectuelle facilement admise. Il y avait plusieurs réticences :
n
L’idée
que l’image est « naturellement » lisible ;
n
La
complexité et la richesse du message visuel qui rendraient vaines toute
tentative de lecture « L’auteur a-t-il voulu dire cela » ?
n
L’impossibilité
de saisir le sens de l’image « artistique » parce qu’ellerelèverait
de l’émotif, de l’affectif et non de l’intellect.
Une analyse pertinente se définit d’abord
par ses objectifs. Définir l’objectif est en effet indispensable pour
mettre en place les outils de l’analyse, tout en se rappelant qu’ils
déterminent et l’objet de l’analyse et ses conclusions.
·
Ainsi,
lorsque R. Barthes se fixe pour objectif de chercher si l’image contient des
signes et quels sont-ils, il invente sa propre méthodologie. Elle consiste à
postuler que ces signes à trouver ont la même structure que celle du signe
linguistique : 5é/5a
C’est ainsi qu’il découvre que le concept
d’italianité (signifié) de la publicité PANZANI est produit par différents
types de signifiants : un signifiant linguistique (la sonorité italienne
du nom des pâtes), un signifiant plastique (la couleur vert, blanc, rouge), et
enfin des signifiants iconiques représentant des sujets socioculturellement
déterminés : tomates, poivrons, oignons, boîte de sauce, fromage...
La méthode de Barthes mise en place ici -
partir des signifiés pour trouver les signifiants, et donc les signes, qui
composent l’image - s’est montrée intéressante et parfaitement opératoire.
·
Si
la méthode est de découvrir plus précisément les messages implicites véhiculés
par une publicité, ou n’importe quel autre message visuel, la méthode utilisée
peut être absolument inverse. On peut recenser systématiquement les différents
types de signifiants co-présents dans les message visuels concernés et leur
faire correspondre les signifiés qu’ils appellent, par convention ou par usage.
La formulation de la synthèse de ces différents signifiés pourra être alors
considérée comme une version plausible du message implicite véhiculé par
l’annonce.
[PERMUTATION, SEGMENTATON, OPPOSITION, Presence-Absence,
voir page jointe]
I.3 : LOUIS
HJEMSLEV (1899 - 1965)
Continuateur de SAUSSURE
·
L’ouvrage
que publia L.H. en 1943 « Prolégomènes à une théorie du langage »
montre que le « Cercle linguistique de Copenhague » avait refait
par lui-même une grande partie du chemin parcouru par SAUSSURE.
La préoccupation de L.H. est très proche de
celle de F. de SAUSURE : « Au cours du XIXè siècle, la science du
langage devait devenir la science de l’histoire des langues et ce n’est qu’à
notre époque que la synthèse et la recherche de la systématisation reviennent
au premier plan et, par là, le nom de la linguistique qui désigne la science
linguistique non comme histoire de la langue, mais comme science
systématique et universelle ... » in L.H., nouveaux essais, PUF, 1985.
·
Après
avoir imposé dans la continuité de SAUSSURE, le primat du théorique, L.H.
développe sa conception personnelle de la théorie de la fonction :
ou dire qu’il y a une fonction sémiotique entre deux termes *** ces deux termes
sont solidaires et ne peuvent pas être définis l’un sans l’autre. (influence
du sens mathématique de fonction f(x,y)...).
Puis L.H. reprend le binôme pour les deux
faces de la fonctions sémiotique majeure l’appellation : expression
et contenu.
·
Une
des intuitions fondamentales de L.H. est d’avoir accordé à la langue la
propriété de pouvoir traduire toutes les autres langues et toutes les autres
sémiotiques non verbales. Cette représentation de la langue comme
« interprétant universel » sera longuement reprise par E. Benveniste
(sémiologie de la langue).
·
Sémiologie et Sémiotique :
Nous saisissons ici, à son point d’origine, la bifurcation
qui devait ouvrir un clivage dans le champ de la sémiotique européenne entre
d’un côté LA SEMIOLOGIE qui, à la suite de Jakobson et de R. Barthes, adoptait
cette interprétation « linguistique » du sémiotique, et de l’autre
côté la SEMIOTIQUE, qui choisissait de considérer, une par une, les diverses
sémiotiques non verbales sans prétendre les traiter métaphoriquement comme des
sortes de linguistiques.
·
L.H.
fonde le Cercle de Copenhague après avoir entendu les thèses de R. Jakobson au
Ier congrès international de la linguistique de la Haye en 1928.
·
Par-delà
tous les débats et polémiques qui ont accompagné l’histoire de la sémiotique,
tous les chercheurs et théoriciens du domaine reconnaissent dans les concepts
hjelmisléviens « la base épistémologique de la théorie sémiotique et plus
généralement un modèle de référence pour
l’ensemble des sciences sociales ».
A.J. GREIMAS ET
L’ECOLE DE PARIS (1917 ...)
·
A.J.G
fut, dès le début des années soixante, le vrai continuateur de HJELMSLEV et
SAUSSURE dans l’étude des significations.
·
Parcours
particulier ...
·
En
1936, Jeune étudiant lituanien de seize ans qui connaissait l’allemand et
lisait *** dans le texte, obtint une bourse pour venir apprendre le français à
Grenoble.
·
En
1944, ses parents sont déportés par les soviétiques et il émigre vers Paris où
il s’inscrit pour une thèse en lexicologie auprés de Ch. Bruneau sur « la
mode en 1830. Essai de description du vocabulaire vestimentaire d’après les journaux
de mode de l’époque » (1949).
·
Il
part pour Alexandrie où on lui propose d’assurer un cours d’histoire de la
langue française. Il y rencontre R. Barthes.
Un petit groupe
se forma et constitue l’ossature d’un
cercle de lectures et de débats sur
l’épistémologie
où on découvrait R. Jakobson, Hjemslev, Lévi-Strauss, Mauss, Lacan...
·
Au
début des années soixante, Greimas, décide de s’associer à d’autres chercheurs
pour fonder « la Société d’Etude de la Langue Française ».
En 1962, Greimas intègre officiellement l’université
française en tant que professeur à
l’université de Poitiers et donne un cours de sémantique
structurale à l’institut R. Poincaré à
Paris.
·
Avec
R. Barthes, il fonde la revue « Langages » qui va associer à la
linguistique la préoccupation sémiotique
·
Grâce
à L. Strauss, Greimas c’est nommé en 1965 Directeur des études à l’Ecole des
Hautes Etudes. Poste de chercheur qui va lui permettre d’animer un séminaire
sur la théorie de langage, et ceci jusqu'à sa mort.
ROLAND BARTHES (1915
- 1980)
·
R.
Barthes fait une entrée fracassante dans le champ de la sémiotique et de la
critique littéraire avec un livre publié en 1953 et intitulé « le degré
zéro de l’écriture ». Il innove en situant l’engagement que représente
l’écriture, non pas dans le contenu de l’écrit mais dans sa forme. Le
langage passe du statut de moyen à celui de finalité.
·
De
1954 à 1956, Barthes envoie chaque mois un article à la revue « Les
lettres nouvelles ». Il entreprend alors une œuvre systématique de
démontage, de démystification, en montrant comment fonctionne un mythe dans la
société contemporaine à partie de cas concrets de la vie quotidienne. Ces
articles, au nombre de 54, ont été rassemblés dans son ouvrage
« Mythologies » qui paraît au Seuil en 1957.
·
La
partie théorique qui clôt l’ouvrage (Mythologies) se place sans la double
filiation de Saussure dont il reprend les notions de signifiant /signifié, et
de Hjelmslev, dont il emprunte les distinctions entre dénotation et
connotation.
·
La
revue « Communication » présente dans son n°4 de 1964 un article de
Barthes : « Les éléments de sémiologie » qui va faire figure de
manifeste pour une nouvelle science : la sémiologie.
Il appliquera
cette science nouvelle au domaine de la mode et publie en 1973 « Le
système
de la mode ».
LVADIMIR PROPP
·
V
Propp. n’est pas considéré, à proprement parler, comme un sémioticien. Ce sont
R. Barthes, C.L.Strauss et A.J. Greimas qui, par la lecture qu’ils ont faite de
son œuvre, l’on adopté dans le cercle des fondateurs de la sémiotique. V.Propp
n’eut, semblet-t-il, aucune part à la fondation du Cercle de Linguistique de
Moscou en 1915 ni à celle de la Société d’Etudes du langage poétique de
Petersbourg en 1916 qui furent deux centres
d’activités du formalisme russe.
[Les formalistes cherchent les procédés et les techniques
de l’art verbal et avaient donc les préoccupations des précurseurs de la
Sémiologie]
·
L’importance
de la contribution de V. Propp à la sémiologie tient dans son ouvrage :
« La morphologie du conte » qu’il publia en 1928 et qui lui valut une
grande notoriété en Russie.
Dans une réponse aux critiques de L. Strauss parue en 1960, V. Propp explique qu’il a cherché,
dans son ouvrage, à observer en comparant une série de contes qui avaient comme
sujet commun les persécutions d’une marâtre, ce qui demeurait identique d’un
conte à l’autre malgré les changements de personnages et de
circonstances : à sa grande
surprise, Propp avait découvert que malgré l’extrême diversité de l’ensemble
des contes soumis à l’analyse, un certain nombre d’action figuraient
dans tous les contes et, de plus, la succession de ces actions suivaient le
même schéma, le même ordre ... n’a-t-on pas forcément affaire au
même conte, même si les détails changent ?
·
La
nouvelle méthode d’analyse allait donc se concentrer sur les actions dénommées
« fonctions ». (Non pas « ce qui sert à » mais fonction =
l’action d’un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le
déroulement de l’intrigue »). Exemple : le fait de recevoir de
l’argent remplit des fonctions diverses : récompense ? acheter un
cheval pour un exploit ?...
·
V.Propp
a donc élaboré une idée sémiotique, mais il semble ne pas s’être bien
rendu compte de tous les retentissements qu’aurait sa découverte concernant le
caractère automatique des sphères d’action des principaux protagonistes du
conte.
Il a su en fait objectiver la structure
spécifique du conte merveilleux à partir de l’inventaire immuable de ses
fonctions. La psychologie des personnages, leur rang dans la société ou tout
autre détail physique étaient considérés comme un habillage (emballage)
circonstanciel. Mais Propp ne semble pas avoir perçu la hardiesse et la
pertinence de son analyse.
Après Propp, on ne dira plus :
un méchant espionne et trompe,, et un bon qui va réparer les torts... Mais :
dans tout conte, il y a toujours un méchant qui nuit et un bon qui s’oppose à
lui... La conte n’est plus le domaine de la fantaisie absolue ; les
acteurs ou protagonistes, définis par leurs fonctions constamment réitérées,
apparaissent comme de véritables préposés à un faire programmé de tout temps.
Propp comme Saussure, se désintéressait des
procédés voulus pour se concentrer sur les lois qui échappaient à la conscience
du sujet parlant.
I.
2.1 LA COUPURE SAUSSURIENNE
·
Un
moment décisif dans l’histoire de la linguistique... Il a fallu attendre la
publication du Cours de linguistique générale (CLG) pour voir naître la
linguistique moderne.
·
F.
de SAUSSURE publie en 1879 « Mémoire sur le système primitif des voyelles
dans les langues européennes ». Les travaux de Saussure ont entraîné une
transformation profonde dans la méthodologie des Sciences humaines.
Il y a une orientation nouvelle : Inscrire la
linguistique parmi les Sciences dures. Proposer une théorisation rationnelle,
une logique des phénomènes langagiers et mettre en place des lois
linguistiques.
·
Un
des soucis fondamentaux de Saussure est de situer la linguistique dans
l’inventaire des services humaines... Il insiste sur l’importance d’une science
très générale, qu’il appelle sémiologie, et dont l’objet serait
les lois de la création et de la transformation des signes et de leur sens...
Comme le plus important des système de signes, c’est le langage
conventionnel des hommes, la science sémiologique la plus avancée, c’est la
linguistique ou sciences des lois de la vie du langage »
·
« Mémoires... »
soutenue en 1878 à Leipzig rencontre une vive opposition de la communauté
scientifique. Déception de Saussure, repliement sur soi, son œuvre est
restée longtemps méconnue.
En 1905 Saussure hérite de la Chaire de « linguistique
générale et d’histoire comparée des langues européennes ». 26 ans après
les « Mémoires », Saussure revient à sa première idée, combattu à l’époque, de théorisation linguistique sous
la forme d’un « Cours de
linguistique générale » (1906-1911), qui fut publié deux ans après sa
mort, c’est à dire en 1915.
·
On
ne note pas de grandes avancées dans la singularisation et
l’institutionnalisation de la linguistique Saussurienne jusqu’en 1945-1949.
·
On
continue à concevoir la linguistique comme une branche de la psychologie et de
la philosophie.
·
A
partir de 1941, la Société de
linguistique de Genève se lance dans la publication des « Cahiers
Ferdinand de Saussure » qui vont polariser l’attention d’une grande partie
des chercheurs et des recherches en linguistique à l’échelle européenne.
·
Les
écrits de Saussure vont dans le même mouvement attirer l’attention des
structuralistes et de l’anthropologie structurale, en particulier, pour la
pertinence de la démarche théorique et la méthodologie.
A. Linguistique et
sémiologie
« La langue est un système de signes
exprimant des idées, et par là, comparable à l’écriture, à l’alphabet des
sourds-muets, aux rites symboliques, aux formes de politesse, aux signaux
militaires, etc., etc. Elle est seulement le plus important de ces systèmes.
On peut donc concevoir une science qui étude la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une
partie de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie
générale ; nous la nommerons sémiologie
(du grec semeion,
« signe »). Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes,
quelles lois les régissent. Puisqu’elle n’existe pas encore, on ne peut dire ce
qu’elle sera ; mais elle a droit à l’existence, sa palace est déterminée
d’avance. La linguistique n’est qu’une partie de cette science générale, les
lois que découvrira la sémiologie seront applicables à la linguistique, et
celle-ci se trouvera ainsi rattachée à un domaine bien défini dans l’ensemble
des faits humains.
C’est au psychologue à déterminer la place
exacte de la sémiologie ; la tâche du linguiste est de définir ce qui fait
de la langue un système spécial dans l’ensemble des faits sémiologiques. » (F. de Saussure, Cours de linguistique générale, Payot, p. 33)
·
C.L.
Strauss publie en 1945 « L’analyse structurale en linguistique » on
commence alors à lire et à relire Saussure. Cet intérêt pour la pensée
saussurienne, nouvelle théorie pilote de toutes les sciences sociales, atteint son point culminant en
1970.
·
Tout
en étant conscient de cette nécessité de fonder une théorie linguistique
indépendante, Saussure continuait à considérer le phénomène linguistique comme
une branche de la psychologie Comment est donc apparue le terme de
sémiologie ? Avec quel contenu ?
C’est dans le CLG que nous rencontrons pour
la première fois le vocable sémiologie pour désigner « une science qui
étudie la vie des SIGNES au sein de la vie sociale ; elle formerait une
partie de la théorie sociale »
Cette apparition du terme sémiologie reste
aussi bizarre que son intégration dans le domaine de la théorie de Saussure qui
présente la sémiologie comme un lien entre psychologie et linguistique, comme
un domaine indépendant de la psychologie.
COURS DE LA
SEMIOLOGIE
I La petite histoire histoire de la
linguistique
et des fondateurs de la sémiologie :
I.1 Les origines
de la réflexion sur le langage :
·
Le
nom de la linguistique : né en allemand en 1777, adapté en français en
1812.
« employer un mot pour désigner l’acte de parler,
c’est déjà distinguer comme spécifique une activité humaine différente de
toutes les autres, et la prendre comme objet de son discours : c’est en
somme PARLER sur le PARLER. (le métalangage).
·
l’invention
de l’écriture est la première réflexion linguistique car elle suppose
nécessairement une analyse de la langue. Donc
un découpage et une identification des unités constitutives du discours.
Ces unités qui donnent lieu aux signes de l’écriture. Quand ce sont des mots
(unités chargés de sens) on a des écritures idéographiques (le chinois),
les Egyptiens,
** ce sont des sons, ce sont des écritures phonographiques.
les langues ne sont
pas homogènes, mélange idéo et phono (a, b, c et 1, 2, 3).
I.2 La
constitution d’un champ autonome de réflexion sur la langue (le XIXè siècle
)
Le XIXè siècle fait apparaître la
linguistique comme science autonome de la philosophie... elle prend une forme à
la fois historique et comparative : ... rechercher la « généalogie
des langues »... et identifier les relations entre les différentes langues.
La fin du XIXè siècle consacre en Allemagne les
« grammairiens ».
En France -où la grammaire comparée marque
le pas- Michel Bréal (1832-1915) fonde LA SEMANTIQUE, « science des
significations ».
Aux Etats-Unis, Whitney (1827-1894) met en
place une réflexion qui, notamment par la formulation de l’arbitraire du signe,
annonce celle de Saussure.
Toujours aux Etats-Unis, Charles Sanders
Peirce (1839-1914) pose, dans le cadre d’une réflexion philosophique
extrêmement générale, les fondements de
la SEMIOTIQUE, science qui prend pour objet l’ensemble des phénomènes de
signification, linguistiques et non linguistiques. A cet effet, il procède
notamment à une typologie des signes.
Est-ce sous l’influence des idées de
Durkheim qui considéraient que la vie sociale détermine dans une grande partie
comportements collectifs et consciences individuelles, et que donc toute
science de la « représentation » de l’ « expression »
de la vie sociale (comme la langue) ne peut - être qu’une psychologie sociale.
Est-ce sous cette influence que Saussure fortement conscient de la dimension
sociale de la langue, va proposer qu’on considère la sémiologie comme une
partie de la psychologie sociale ?. Saussure représente le social comme
une pesanteur, active par sa seule masse et soumise à une autre pesanteur, le
facteur temps.
« Trésor », « cristallisation
sociale », « sédimentations » (couches géologiques),
« forces qui sont en jeu d’une manière permanente et universelle dans
toutes les langues »... ce sont toutes des expressions utilisées par
Saussure pour parler de la sémiologie.
·
Saussure
est-il parvenu à fonder une scientificité nouvelle, en prenant pour objet
« la langue », telle qu’il la définit comme cet « ordre
intérieur du langage »... Saussure aura-t-il été l’Ampère, le Newton ou
l’Einstein des sciences du langage ? Oui, la preuve : il eu des
adeptes et des continuateurs...
I PETITE HISTOIRE
DE LA LINGUISTIQUE
ET DES FONDATEURS DE LA SEMIOLOGIE
I.1 Les origines
de la réflexion sur le langage
La nature comme
langage du divin :
Et si le monde était le produit d’un dessin divin, qui aurait organisé les objets
de la nature pour en faire les instruments d’une communication avec
l’homme ?
C’est l’hypothèse néoplatonicienne qui
sous-tend les premières métaphysiques médiévales. Dieu se montre à travers les
signes que sont les choses, et, à travers ceux-ci, opère le salut de l’homme.
Tout le symbolisme médiéval découle de cette hypothèse.
Le langage allégorique à décoder, les signes
véritables par rapport à quoi l’Ecriture constitue une sémie substitutive, sont
les événements de l’Histoire Sacrée, mots d’un langage cosmique que Dieu a
organisé afin que nous puissions y lire notre devoir et notre destin.
Mais, pour établir une métaphysique
pan-sémiotique, point n’est nécessairement besoin d’un protagoniste divin. Il
suffit que domine un sens de l’unité du Tout, de l’univers conçu comme Corps se
signifiant à lui-même.
Ne pourrait-on pas, dès lors, relire
l’immense parabole de l’idéalisme moderne comme une théorie de la productivité
sémiotique de l’esprit ?
Ce n’est plus Dieu qui parle à l’homme à
travers des signes, mais Dieu qui se construit dans l’histoire, comme Esprit
soufflant sur une grande scénographie symbolico-culturelle.
Cette philosophie voit dans le langage une
grande métaphore inconsciente, étroitement lié qu’il est à l’essence intime des
choses.
Ce n’est pas l’homme qui façonne le langage
pour dominer les choses, mais les choses (ou la Nature, ou l’Etre) qui se
manifestent à travers la langage : le langage est la voix de l’Etre, et la
Vérité n’est rien d’autre que le dévoilement de l’Etre à travers le langage. Si
ce point de vue prévaut, alors, il n’y a plus de place pour une sémiotique, ou
une théorie des signes. Il ne subsiste plus qu’une pratique continuelle et
passionnée d’interrogation des signes : l’herméneutique. En herméneutique,
on ne construit point de théorie des conventions sémiotiques : on reçoit,
humblement et fidèlement, la voix qui parle d’un lieu où il n’est aucune place
pour la convention, car elle précède l’homme lui-même.
La grammatologie, ou science de l’écriture,
se demande aujourd’hui si les tourments métaphysiques qui ont longuement
assailli l’homme occidental ne sont pas eux-mêmes structurés sur le modèle des
grammata (Derrida, 1967).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire