mercredi 17 novembre 2021

Je vote utile et… blanc

 Quelques jours nous séparent encore des élections présidentielles et beaucoup de Tunisiennes se posent la question fatidique: «Pour qui allons-nous  voter?»

Seuls les encartés dans des partis politiques voient clairs dans ce flou électoral, mais ceux-là ne dépassent pas 25% des votants toutes tendances confondues.

Ce doute qui plane sur le scrutin du 15 septembre 2019 traduit cette crise de confiance dans les élites politiques nationales et ses racines sont à chercher dans la pléthore des promesses non-tenues par les gouvernements et les représentants du peuple cumulé au cours de ces 9 dernières années.

Comment croire un personnel politique dont la crédibilité auprès de l’opinion publique est largement érodée?

Pourquoi accorder sa confiance à des candidats qui s’affrontent à coup d’insultes et de scandales dans les médias et les réseaux sociaux?

Or, chacun de nous est appelé le 15 septembre 2019 à faire un choix parmi 26 présidents potentiels dont sortira un vainqueur qui devrait avoir les qualités, non seulement politiques, mais également éthiques pour être à la tête du pays de la révolution démocratique.

C’est dire si l’offre politique qui se présente aux citoyennes tunisiennes pose problème.

Aussi l’éventualité du vote blanc s’invite aujourd’hui, tout naturellement dans le débat autour du rendez-vous du 15 septembre.

Qu’est-ce-que le vote blanc?

Commençons par dire que le vote blanc n’est pas une bizarrerie, ni une invention ex-nihilo pour les besoins de cet article.

Le vote blanc est mentionné par les articles 3 et 136 de notre loi électorale et occupe la même place que les autres catégories de suffrages. Son pourcentage est comptabilisé et déclaré lors de l’annonce des résultats définitifs.

N’oublions pas aussi que notre jeune expérience électorale libre et démocratique amène souvent l’électeur à confondre entre vote blanc et abstention.

Le vote blanc n’est pas l’abstention, car il impose la démarche d’aller au bureau de vote, de ne cocher aucun candidat et de déposer son bulletin dans l’urne.

Voter blanc n’est pas une sinécure ou une démission, il est l’exercice démocratique d’un droit constitutionnel et l’accomplissement d’un devoir citoyen.

«J’ai vote Ennahdha a l’insu de mon plein gré»

Parmi les arguments généralement avancéspar les détracteurs du vote blanc,le plus important est : ‘’Ça sert Ennahdha….’’

On peut mettre ce genre de répartie sur le compte de la naïveté, pour certains, et de la tromperie pour d’autres.

Il y’a derrière nous les élections présidentielles de 2014 et le soutien apporté par les démocrates, la gauche, les femmes etc… à feu Béja Caid Essebsi. C’était l’époque de l’appel au fameux « vote utile » Anti Nahdha. On sait malheureusement ce qu’il est devenu, par la suite, de ces bulletins anti-islamistes.

Les majorités parlementaires et les futurs gouvernements à venir se feront difficilement sans Ennahdha.
Quand on ne confond pas bulletin de vote et baguette magique, on est conscient que la véritable lutte contre l’islam politique nécessite encore du temps, des efforts et des sacrifices, pas un simple tour de scrutin.

Et sivous accordez notre voix à un président qui fera alliance en novembre 2019 avec Ennahdha, il ne vous resteplus qu’à dire comme l’autre : ‘’j’ai voté Ennahdha à l’insu de mon plein gré’’.

‘’Choisissons un candidat intègre, compétent et crédible’’

Qui sont les postulants non islamistes à la présidence qui répondraient à ce profil ? quels sont leurs itinéraires, compétences et crédibilité ?

Un premier groupe est représenté des nostalgiques de l’ancien régime, camouflés ou déclarés, qui se réfugient derrière l’argument fallacieux d’avoir servisans s’être servi.

Il existerait un ex-ministre ou haut cadre du RCD « propre » au sens où il n’aurait pas été concerné par les exactions d’un régime répressif mafieux et népotique.

Il serait trop facile et politiquement irresponsable de se dédouaner d’une complicité silencieuse de la dictature.

L’autre lot de candidats est formé par ceux qui ont joué les premiers ou seconds rôles au sein desgouvernements entre 2011 et 2019. Que dire sinon que leur bilan a déjà voté pour eux.

Se présentant souvent comme des technocrates, ils cherchent à nous convaincre que leurs diplômes de sortants de grandes écoles et universitésfrançaises ou américaines les habilitent à diriger un pays.

Manque d’expérience militante ou égo surdimensionné ?Ce sont sans doute de trèsbrillants dirigeants d’institutions financières ou de grandes banques. Présider la Tunisie est une responsabilité bien plus lourde et une mission pluscompliquée.

Bourguiba, licencié en droit, fut un très grand président de la république. Mohamed Ali Annabi, polytechnicien, un très grand ingénieur. The right man in the right place !

Restent les candidatures de cette gauche si chère à mon cœur et dont les luttes et les sacrifices sous la dictature auraient dû la placer à la tête des sondages.Malheureusement ou heureusement ça n’est pas cas.L’alternative démocratique et populaire de gauche est encore incapablede mobiliser le peuple tunisien. Pire de concurrencer les élites néo-libérales même quand elles sont en période de crise.

Les raisons à cette situation sont longues à expliquer et les haranguespopulistes sont plus l’expression du  marasme idéologique et de l’autisme politique qu’un véritable programme mobilisateur.

Enfin, j’espère que nous démentirons les sondages qui placent un candidat en tête de liste et sur lequel pèse un faisceau de soupçons de corruption et de blanchiment d’argent. Il y va de l’honneur et de la dignité des Tunisiens.

Voter blanc le 15 septembre 2019 c’est voter pour le 14 janvier 2011

Face à cette offre politique et ces candidatures, le vote blanc est un choix politique et éthique et ce, pour 3 raisons:
Un: Voter blanc, c’est envoyer un message qui range le système politique actuel dans la classe des systèmes incapables de nous présenter des candidats correspondants à nos convictions et à nos aspirations;

Deux: Voter blanc est un choix. Ce n’est ni un luxe, ni une fuite en avant. C’est l’expression d’une forte réserve d’électrices et d’électeurs qui, j’espère, seront très nombreux.
Réserve qui prendra le 15 septembre la forme du déficit de popularité d’un président qui se doit donc de tout mettre en œuvre en vue de gagner la confiance des tunisiens.

Trois: Voter blanc c’est porter vers les urnes la colère, le mécontentement et les espoirs déçus de millions de tunisien-e-s.
Le ‘’parti du vote blanc ‘’(et là c’est une vraie métaphore !) est le parti d’opposition du 15 septembre, et  des mois et des années à venir si on va assister à ‘’un changement de président dans la continuité’’.
Enfin et surtout, voter blanc le 15 septembre 2019  c’est dire au futur président des tunisiens qu’il se doit d’être fidèle -non aux partis, au lobbys ou aux amis mais  à la Tunisie du 14 janvier 2011.

Moncef Ben Slimane
Universitaire syndicaliste et citoyen

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